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un peu partout, à tous les étages, mais sous des aspects différens suivant les âges ; d’abord le granit, ensuite le porphyre, le basalte et enfin les laves, produit des volcans contemporains. Il faut croire qu’à mesure que de nouvelles strates se formaient en dessus de la première couche solide, d’autres strates se formaient en dessous par l’effet du refroidissement du globe, et la composition normale de ces dernières se modifiait peu à peu en vertu de ce principe que dans toute masse en fusion les matières s’étagent d’elles-mêmes par ordre de densité, les plus légères en dessus et les plus lourdes en dessous.

Les esprits les plus réservés acceptèrent cette doctrine aussi bien que la théorie des soulèvemens, par laquelle on expliquait les dénivellemens de la surface terrestre. Tout en admettant que ces dislocations de l’écorce solide avaient été brusques, presque instantanées, quelques géologues s’inquiétaient déjà de la durée qu’il devenait nécessaire d’attribuer à la vie du globe, puisque ces catastrophes, dont le nombre s’accroît sans cesse à mesure que l’on connaît mieux le sol, ont été séparées par de longues périodes de tranquillité. Dans le même temps, d’autres phénomènes géologiques étaient étudiés avec un égal succès. Le rôle des volcans, la fréquence et l’intensité des tremblemens de terre, l’étendue des perturbations qui leur sont attribuées, étaient moins obscurs. Les curieux effets des glaciers actuels de la Suisse devenaient, pour MM. Agassiz et Charpentier, la preuve que des masses de glace plus volumineuses encore avaient raviné jadis les vallées où la neige se montre maintenant à peine en hiver. Au contraire la paléontologie révélait que des plantes tropicales avaient végété dans les latitudes élevées aux époques antéhistoriques. En un mot, les faits s’étaient accumulés. Il était temps d’imaginer des hypothèses, de reconstruire les théories d’ensemble que les savans de la génération précédente avaient, non sans de bons motifs, crues prématurées.

En France, l’enseignement de la géologie, guidé par des programmes officiels, a de plus été confié presque toujours à des professeurs qu’une culture scientifique plus étendue détourne des idées téméraires. Sans manifester du dédain pour les nouveautés, ils se contentent d’admettre dans une juste mesure les théories partielles lorsque des observations réitérées en confirment toutes les conséquences. Tout en restant fidèles à la doctrine des soulèvemens brusques dont Élie de Beaumont a fait un magnifique exposé, ils ne contestent ni l’expansion des glaciers sur une vaste partie de l’Europe occidentale, ni l’érosion de vallées profondes par le seul effet des eaux courantes; mais ils se gardent d’aller au-delà de ce qui n’est pas démontré par l’observation ou par l’expérience, à tel point