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charte de 1814. Dans l’une comme dans l’autre, le pouvoir exécutif concourt à la confection des lois, en les proposant, en les sanctionnant, et enfin en les promulguant ; la puissance législative est partagée également entre deux chambres; mais la chambre des pairs ne peut être saisie ni du budget, ni d’aucune loi d’impôt qu’après que la chambre des députés en a délibéré.

Les motifs qui firent attribuer dès 1814 à la chambre des députés un droit de priorité dans la discussion des lois de finances sont faciles à pénétrer : ils sont tout à l’honneur des rédacteurs de la charte, préoccupés de donner de sérieuses garanties à la nation. La chambre des pairs était à la nomination du roi, et bien que l’hérédité en assurât l’indépendance vis-à-vis de la couronne, la majorité y pouvait toujours être déplacée par la création de nouveaux pairs. N’ayant à répondre d’aucun de leurs votes devant le corps électoral, les pairs pouvaient être moins soucieux des jugemens de l’opinion, et moins ménagers des deniers publics. Il y aurait donc eu inconvénient à ce qu’une proposition d’impôt arrivât devant les représentans directs des contribuables avec la double autorité de l’initiative royale et de l’assentiment d’une des deux branches du pouvoir législatif. La liberté d’appréciation des députés pouvait sembler moins entière, si le rejet ou la modification d’une loi d’impôt devait revêtir l’apparence d’un désaccord, sinon d’un conflit, avec la couronne et avec la chambre haute.

On trouve un autre motif de cette disposition dans la permanence de la chambre des pairs. Une ordonnance de dissolution pouvait à tout moment mettre fin à l’existence de la chambre élective et aux pouvoirs de ses membres. Un intervalle de trois mois, porté à six par la charte de 1830, pouvait s’écouler entre une ordonnance de dissolution et la convocation des électeurs. Dans cet intervalle, sous prétexte de pourvoir aux besoins des services publics et à des nécessités urgentes, on aurait pu faire voter par la chambre des pairs, toujours subsistante, l’autorisation d’effectuer certaines dépenses ou de percevoir certains impôts. Nulle garantie n’aurait protégé les deniers publics contre la dissipation, et le refus de l’impôt aurait été doublement pénible et périlleux pour les particuliers lorsque l’assentiment d’une des deux branches du pouvoir législatif aurait donné une présomption de légalité aux taxes réclamées par les agens du fisc. La priorité attribuée à la chambre élective dans la discussion des lois de finances, et la nécessité de son assentiment préalable donnaient l’assurance que l’on n’essaierait ni de prolonger l’intervalle qui pouvait séparer l’existence de deux chambres, ni de se dispenser de l’intervention des mandataires du pays.

Des deux raisons qui viennent d’être indiquées, la première n’est