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l’arme qui tenait l’ennemi en respect se change en roseau du jour au lendemain.

Les causes de cette triste situation sont diverses : les unes datent de loin et proviennent de notre caractère, de nos habitudes administratives, du courant politique et social qui nous entraîne, et de certains vices d’organisation qui en découlent; les autres, toutes récentes, sont dues aux réductions budgétaires imposées à la marine après la guerre de 1870, et à la manière dont ces réductions ont été réparties. Il importe de se rendre un compte exact des unes comme des autres.


II.

De 1660 à 1870, période de paix, le budget de la marine et des colonies a été en moyenne de 210 millions. La guerre survient, et en 1672 nous trouvons la dotation de la marine réduite à 146 millions. De 1872 à 1876, la moyenne de cette dotation est de 160 millions. C’est donc une réduction de 50 millions par an qu’a subie le budget de la marine, depuis la guerre, soit 200 millions de moins affectés à l’entretien de la force navale depuis quatre ans.

Ce n’est pas tout!

Avant 1870, nos arsenaux possédaient des approvisionnemens considérables, ce qu’il est permis d’appeler leur fonds de roulement. Ces approvisionnemens, employés pendant la guerre et sur terre aux besoins de la défense nationale, n’ont pas été remplacés. De là pour la marine une nouvelle perte de 60 millions.

Voilà déjà deux cent soixante millions !

Mais ce n’est pas tout encore. Pendant que l’ensemble du budget était réduit dans cette énorme proportion, les dépenses coloniales, qui forment une part considérable de ce budget, qui ne contribuent en rien au maintien de notre puissance navale et qui ne sont en réalité qu’une lourde charge, allaient en s’accroissant progressivement. Ainsi, avant la guerre, les dépenses : colonies, établissemens pénitentiaires, troupes coloniales, s’élevaient à 35 millions[1]. Elles sont aujourd’hui de 44 millions; il y a donc là encore 9 millions à porter au compte des réductions dont a été frappé le budget de la marine proprement dite.

Nous avons opéré toutes ces réductions au moment où le prix croissant de la main-d’œuvre, des matières premières, des engins

  1. Dans tous les calculs auxquels nous nous sommes livrés, nous avons retranché des dépenses coloniales tout ce qui contribuait directement ou indirectement à l’entretien des stations navales locales, et nous avons ajouté ces dépenses purement maritimes au budget de la marine proprement dite.