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lords s’abstient d’amender les lois de finances; mais, ainsi que M. Gladstone lui-même l’a reconnu en plein parlement, elle n’a jamais renoncé au droit d’amendement. C’est un droit qui sommeille, mais qui peut se réveiller, si des circonstances exceptionnelles ou un grand intérêt public commandaient d’en faire usage.

Il est indispensable en outre d’observer que le budget soumis annuellement au vote du parlement diffère essentiellement de ce qu’en France on désigne par le même nom. Il est loin de comprendre en effet l’universalité des recettes et des dépenses. Les impôts qui ont une base fixe et un caractère permanent, et ce sont les plus nombreux et les plus productifs, alimentent, avec les produits du domaine et des postes, le fonds consolidé, c’est-à-dire la réunion des subsides permanens mis à la disposition du gouvernement pour faire marcher les services publics. De ce nombre sont l’impôt foncier, le timbre, les impôts sur la drêche, sur le sucre, le tabac, les vins, les spiritueux, etc. Lorsque le produit d’un impôt a été assigné au fonds consolidé, cet impôt devient et reste obligatoire : il n’est plus soumis au vote annuel du parlement, et il ne peut être ni modifié ni supprimé que par un acte législatif spécial, auquel les deux chambres et la couronne concourent également.

Toutes les dépenses qui ont le caractère d’un engagement public, les intérêts de la dette et des bons de l’échiquier, la liste civile, les dotations des princes et les pensions conférées à titre national, les traitemens des magistrats, des agens diplomatiques et de tous les fonctionnaires dont la fonction existe en vertu d’une loi, sont acquittés sur le fonds consolidé, et ne sont l’objet d’aucun vote du parlement, étant considérés comme obligatoires pour la nation. La loi qui établit une fonction fixe en même temps le traitement du fonctionnaire et impute le montant de ce traitement sur le fonds consolidé. Si l’on veut, au contraire, supprimer une fonction, même la plus manifestement inutile, ou en diminuer la rétribution, il faut allouer au titulaire en exercice une indemnité réglée de gré à gré, et faire intervenir un acte spécial du parlement. Ainsi la question que l’on agite en France n’aurait même pas pu naître en Angleterre, puisque les traitemens qu’il s’agit de supprimer, résultant d’une loi régulièrement rendue, n’auraient même pas été soumis à un vote du parlement.

Les dépenses pour lesquelles un vote annuel du parlement est nécessaire sont les dépenses qui n’ont point un caractère obligatoire, ou dont la quotité peut varier d’une année à l’autre, et, en premier lieu, les dépenses de la marine et de l’armée. Le parlement, qui doit renouveler chaque année le mutiny-hill, en vertu duquel le souverain a le droit d’exiger l’obéissance des soldats et des marins,