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Les recettes permanentes qui constituent le fonds consolidé ne seraient pas suffisantes pour défrayer toutes les dépenses de l’état; le gouvernement tient en réserve plusieurs impôts, l’impôt sur le revenu, les droits de douane et diverses autres taxes, dont il fait varier la quotité de façon à en accroître ou à en diminuer le produit, suivant la somme dont il a besoin pour équilibrer les recettes et les dépenses. Ces taxes variables sont soumises annuellement au vote du parlement. L’exposé que fait le chancelier de l’échiquier des propositions du gouvernement quant à ces impôts, des augmentations qu’il demande ou des réductions et des suppressions dont il prend l’initiative, est le grand événement financier de chaque session. Les propositions du gouvernement sont acceptées ou repoussées par la chambre des communes par voie de résolution, et il est d’usage que chaque résolution devienne la base d’un bill distinct qui, après avoir subi l’épreuve des trois lectures, est envoyé aux lords pour recevoir leur assentiment.

Ce sont ces bills, ayant pour objet d’imposer, de modifier ou de supprimer certaines perceptions, qui sont désignés spécialement sous l’appellation de money-bills, et qui ont fait un sujet de controverse entre les deux chambres. Le vote des dépenses n’est qu’une question de confiance, il ne saurait être refusé à un ministère en possession de la majorité : c’est le vote de l’impôt qui constitue aux yeux des communes leur principale prérogative, et celle dont elles se montrent le plus jalouses. Elles reconnaissent qu’aucune perception ne peut avoir lieu sans l’assentiment préalable des lords, mais elles se prétendent « seules juges de la matière, du mode de perception, de la quotité et de la durée de tout impôt; » en conséquence, elles contestent aux lords le droit de modifier aucun money-bill.

La querelle date de 1671. Les communes ayant voté certains droits de douane et de tonnage, les marchands de Londres s’adressèrent à la chambre des lords, et lui demandèrent de rejeter celles de ces taxes nouvelles qui étaient trop onéreuses pour le commerce. Les lords voulurent modifier le bill ; mais, bien que, dès le règne d’Henri VI, ils eussent réduit de quatre années à deux la durée d’un impôt voté par les communes, et révisé à diverses reprises les mesures qui leur avaient été apportées, les communes leur contestèrent le droit d’amendement en matière d’impôt. Plusieurs conférences eurent lieu entre les commissaires des deux chambres : on produisit de part et d’autre une foule de précédens, mais on ne réussit point à se mettre d’accord. Les lords persistèrent à déclarer que ne leur laisser d’autre alternative que d’adopter ou de rejeter un bill en leur interdisant de le modifier, était une atteinte à leur libre