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arbitre et à leur dignité. De leur côté, les communes ajoutèrent aux résolutions permanentes (standing orders) qui leur servent de règlement, une résolution nouvelle portant qu’elles considéreraient comme rejeté par les lords, et conséquemment comme non avenu, tout money-bill qui reviendrait de la chambre haute avec des modifications. Cela n’a point empêché les lords, à diverses reprises, soit de rejeter, soit de modifier des money-bills ; seulement, dans ce dernier cas, les communes ont considéré le bill amendé comme rejeté, et elles en ont voté un nouveau où ne figuraient plus les dispositions repoussées par la chambre haute. L’opposition faite par la chambre des lords à l’abolition de l’impôt sur le papier donna lieu en 1860 et 1861 à des discussions extrêmement vives, dans lesquelles les droits respectifs des deux chambres furent débattus par les principaux orateurs du parlement.

Voici quelle est en réalité la position de la chambre des lords par rapport aux lois de finances. Il ne peut être touché à aucune des charges et à aucune des ressources du fonds consolidé autrement que par un acte spécial du parlement, au regard duquel la chambre des lords a toute liberté d’action. Propose-t-on d’augmenter, de modifier ou d’abolir l’impôt foncier (land-tax) : si les lords s’y opposent, les choses demeurent en l’état. Propose-t-on de supprimer un des juges d’une cour ou un des fonctionnaires civils de l’île de Man : si les lords s’y opposent, la fonction est maintenue, et le traitement continue à être payé. Quant aux recettes et aux dépenses variables qui sont l’objet de votes annuels du parlement et constituent véritablement le budget, les traditions parlementaires font du vote des dépenses une question de confiance : il est de règle qu’on doit accorder aux ministres les crédits qu’ils déclarent nécessaires à la marche des services dont ils sont responsables, ou qu’on doit les renverser et les remplacer. Pour ce qui est des recettes, quand un ministère, soutenu par une majorité sérieuse, et qu’on doit par conséquent supposer investi de la confiance de la nation, propose des remaniemens d’impôts, la chambre des lords n’a ni à encourir l’impopularité de maintenir une taxe inutile, ni à assumer la responsabilité de détruire l’équilibre du budget en supprimant une taxe nécessaire. Elle n’a de raison d’exercer ses droits, quelque étendue qu’on leur assigne, qu’autant que le bien public le demande, et, dans ce cas, même en les supposant limités à l’adoption ou au rejet des mesures ministérielles, ils suffisent à protéger l’intérêt public.

Si nous quittons l’Angleterre pour les États-Unis, nous trouverons dans la grande république américaine une assemblée qui a beaucoup plus d’analogie avec le sénat français que la chambre des