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Pour les officiers supérieurs, les conséquences de la réduction des armemens ont été encore plus graves. D’après la loi, ils ne peuvent être en condition d’avancer que s’ils ont, non-seulement accompli un certain temps de grade, mais encore exercé pendant plusieurs années le commandement d’un navire à la mer. Quand le nombre des commandemens était suffisant, tous les officiers remplissaient assez promptement ces conditions. Ils attendaient ensuite les vacances, le choix du ministre, les chances de la fortune, les occasions de se signaler. Mais, le chiffre des commandemens de tout grade, qui, après avoir été de 275 en 1864, au moment de l’expédition du Mexique, était revenu dans la dernière année de l’empire au chiffre normal de 165, ne s’est plus trouvé en 1876 que de 115. Cette grande réduction, quand les exigences de la loi et le chiffre des concurrens aptes à exercer des commandemens restaient les mêmes, équivalait pour ceux-ci à une diminution considérable des chances d’avancement. Aux hasards de la promotion venait s’ajouter le hasard d’être mis au choix en position d’en remplir les conditions. En fait, c’était un nouvel échelon à franchir, introduit entre les grades, et la multiplication mathématique des incertitudes d’une carrière dont les progrès disparaissaient, pour le plus grand nombre, dans un lointain indéfini.

À cette situation doublement affligeante au point de vue de la valeur de notre corps d’officiers et de son moral, on a essayé de porter un remède héroïque, en décrétant la réduction des cadres; mais, si cette mesure était sage et nécessaire, on en a détruit le salutaire effet par la manière timide dont on l’a appliquée. On a décidé que cette réduction se ferait au fur et à mesure des extinctions, une seule nomination à un grade supérieur devant se faire sur cinq vacances. Les extinctions se produisant très lentement, l’encombrement actuel a été maintenu avec tous ses inconvéniens, et on a encore aggravé le mal moral en frappant les chances d’avancement, déjà si réduites, d’une diminution nouvelle de 80 pour 100. Mieux eût valu cent fois se décider résolument à réduire les cadres d’un seul coup par une loi exceptionnelle. Un moyen avait été proposé, qui a été souvent employé avec succès en pays étranger. Il s’agissait d’offrir par circulaire le titre et la retraite immédiate du grade supérieur aux officiers qui en feraient volontairement la demande, jusqu’à la concurrence du nombre d’officiers à retrancher. Il est plus que probable que cette offre eût été acceptée par beaucoup d’officiers fatigués ou pressés d’assurer à leurs familles un avantage certain. Le chiffre de la retraite du grade supérieur étant moins élevé que la solde d’activité du grade inférieur, il y aurait eu pour l’état une économie immédiate, fort minime il est vrai, mais les extinctions