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moment le rôle de la commune rurale. Elle porte devant l’opinion le lourd poids des erreurs inévitables et des espérances trompées ; on la charge de tout ce qu’on reproche au moujik émancipé, à l’agriculture encore arriérée. L’imprévoyance ou l’ivrognerie des paysans, le manque ou la cherté des bras, les mauvaises récoltes, l’épuisement prématuré du sol, les disettes périodiques même de certaines contrées de l’empire, deviennent autant de textes d’accusation contre l’institution nationale des slavophiles. A en croire de nombreux écrivains russes et étrangers, pour vouer la richesse nationale à une décadence certaine, il n’y a qu’à conserver ce legs des temps barbares; pour ouvrir à l’agriculture et à la production une ère de prospérité sans exemple, il n’y aurait qu’à débarrasser la propriété des langes de la communauté. Quand le régime actuel mériterait toutes ces attaques, de telles vues, de telles espérances n’en seraient pas moins dangereuses, car en réunissant et confondant en un seul tous les maux dont souffrent la production et la population rurales, on s’expose à de graves mécomptes pour le jour où serait fermée la plaie dont on fait découler tout le mal.

Les reproches le plus fréquemment et le plus justement faits à la commune russe, le sont au nom de l’agriculture d’un côté, au nom de l’activité individuelle de l’autre. Nous avons signalé les inconvéniens agricoles en décrivant le mode de partage usité. La plupart se peuvent ramener à deux points : courte période de jouissance, et par suite négligence du cultivateur et épuisement de la terre; extrême fractionnement du soi et dispersion des parcelles, rendant toute culture rationnelle impossible. Les tristes effets de ce régime sont partout mentionnés dans l’enquête agricole. C’est ainsi que, dans certaines régions, dans le gouvernement de Symbirsk par exemple, le prix de location des terres communales serait en moyenne d’un tiers ou de moitié inférieur au prix de location des terres individuelles. C’est ainsi que les récoltes en froment, en seigle, en avoine, seraient généralement d’un ou deux tchetvert par dessiatine (c’est-à-dire de 2 ou 4 hectolitres par hectare), plus élevées sur les terres des propriétaires que sur les terres des paysans. Si tout cela est vrai, répondent les avocats de la commune, c’est avec le système de répartition en usage jusqu’à ces dernières années; mais ces méthodes peuvent changer, elles sont déjà en train de le faire. Ni les partages annuels ou rapprochés, ni même le parcellement extrême et la dispersion des parcelles, ne sont de l’essence de la propriété collective et n’en sont inséparables. Ce mode de propriété a pu se lier dans le passé à la culture extensive sans qu’il lui soit interdit de se prêter à une culture plus savante, à mesure que le nombre des habitans, l’ouverture des