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l’encaisse, le danger ne peut pas aller bien loin, on est toujours à même de l’arrêter, on n’a qu’à demander le remboursement du papier qui paraît être de trop. Alors l’instrument d’échange agit comme s’il était tout en numéraire.

En général, quand il y a des embarras dans les pays qui ont ce qu’on appelle la circulation mixte, c’est-à-dire le papier et la monnaie métallique, et que les prix se trouvent surélevés par des manœuvres de spéculation, c’est beaucoup moins à l’extension de la circulation fiduciaire qu’on le doit, si on n’entend par ce mot que les billets au porteur, qu’au papier de commerce. C’est celui-là qui à certains momens est trop abondant et agit sur les prix. Pour montrer l’importance qu’il peut avoir comparativement aux billets au porteur, nous dirons qu’en Angleterre notamment il y a toujours pour 10 milliards au moins de ce papier en circulation, tandis que les billets de banque, non couverts par une réserve métallique, s’élèvent tout au plus dans le royaume-uni à 600 ou 700 millions, et cependant personne ne se plaint du papier de commerce et n’en demande la suppression.

On ne demande pas davantage celle d’un autre genre de crédit qui se rapproche beaucoup plus de la circulation fiduciaire, qui en tient lieu dans bien des cas et qui prend de plus en plus d’extension en Angleterre et aux États-Unis; nous voulons parler du chèque reposant sur des dépôts en comptes courans. Il y a à tout moment en Angleterre pour 5 ou 6 milliards de ces dépôts, et on s’en sert pour liquider les transactions autant et plus que nous nous servons du billet de banque. Voilà certainement un moyen de crédit qui doit agir sur les prix et en amener la hausse. Et la preuve qu’il en est ainsi, c’est que tout est plus cher en Angleterre et en Amérique qu’ailleurs. Mais là encore l’influence exercée par le chèque, lorsqu’il est émis régulièrement, n’est qu’indirecte, et il est émis régulièrement s’il repose sur une provision suffisante, et que les banques gardent toujours de quoi le payer. Alors il agit sur les prix comme le billet au porteur remboursable à vue, parce qu’il développe d’abord la richesse publique en utilisant toutes les épargnes. Par conséquent, quand les moyens de crédit sont réguliers, qu’il s’agisse de billets de banque remboursables à vue ou de billets de commerce représentant des opérations sérieuses, ou encore de chèques ayant une provision suffisante, ces moyens ne sont pas par eux-mêmes des élémens de hausse artificielle ; ils n’amènent cette hausse que parce qu’ils ont contribué d’abord à augmenter la richesse. Personne ne peut s’en plaindre, et la doctrine qui les rend responsables de l’élévation des prix comme d’un malheur est évidemment erronée. Si on la suivait à la lettre et qu’on revînt à la monnaie métallique exclusivement comme instrument d’échange,