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ni canons, ni rien, si bien que, quelques efforts que nous fassions maintenant, il s’écoulera encore un temps considérable avant que le mouvement de décroissance de notre force navale soit arrêté.

Il dépend de nous cependant de raccourcir cette période de faiblesse en employant les deux grands leviers du monde, l’argent et la volonté. Avec de la volonté et la résolution de considérer une bonne fois le budget comme destiné uniquement à créer des vaisseaux et des combattans, on pourrait commencer à débarrasser l’organisation de la marine de tout ce qui ne concourt pas directement à ce but. Cela amènerait par simplification des économies journalières. Avec de la volonté, et sans frapper personne autrement que dans son importance, on pourrait rendre l’action bien plus prompte en supprimant dès aujourd’hui les rouages et les doubles emplois qui ne servent qu’à l’entraver, en investissant le préfet maritime, sur une foule de points de détail, d’une autorité discrétionnaire que l’administration centrale abdiquerait entre ses mains; l’activité des travaux du matériel pourrait aussi être augmentée par des concentrations d’ouvriers, concentrations temporaires, qui seraient le prélude d’agglomérations définitives. Faire moins à la fois, mais faire vite, devrait être la devise.

Pourtant, quelque puissance de volonté qu’on apporte, les efforts seront insignifians si l’argent fait défaut. A l’administration d’augmenter par tous les moyens le rendement du budget; encore faut-il que ce budget soit en rapport avec les besoins impérieux de la marine, si on veut la trouver à l’heure du péril telle qu’on l’a toujours trouvée jusqu’ici. Quelques pas ont déjà été faits dans cette voie, et on est revenu à des chiffres plus appropriés à la situation. Le budget de 1872, troupes et colonies non comprises, était tombé à 106 millions, celui de 1876 est remonté à 122 millions. De plus, on a accordé sur le compte de liquidation, pour le matériel si appauvri pendant la guerre,

en 1874 10 millions,
en 1875 10 —
en 1876 20 —


en sorte que le budget de 1876 est réellement de 142 millions; mais, dépensés comme nous les dépensons, et au milieu du renchérissement de toutes choses, ces 142 millions sont encore de beaucoup insuffisans. Pour 1877 enfin, le budget promet un accroissement de cinq navires sur les armemens; c’est quelque chose, mais ce n’est pas assez.

Pénétrons-nous bien de l’impossibilité d’avoir une marine efficace sans argent, sans beaucoup d’argent. Si l’état de nos finances ne permet pas de porter le budget à un chiffre en rapport avec les pertes que la marine a subies et les services qu’elle sera appelée