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de caractère : ils étaient doux, polis, bienveillans, moraux; ils deviennent irascibles, pervers, méchans, acariâtres; ils étaient aimans, ils deviennent haineux; ils étaient gais, agréables, ils deviennent taciturnes, méfians, craintifs. Les changemens qui s’opèrent dans le cerveau par l’effet de l’âge peuvent, en altérant l’activité de cet organe, produire de grandes modifications, dans le moral chez un vieillard, modifications qui le rendent craintif, inquiet, égoïste. » Par leur exagération, par leur impérieux besoin de satisfaction, les perversions morales sont une cause de souffrances physiques et morales; aussi ont-elles reçu le nom de passions. Nous verrons qu’elles jouent un rôle prépondérant dans la folie.

Nous aurons terminé cette exposition quand nous aurons dit que, pour M. Despine, l’imagination n’est pas une faculté simple, mais qu’elle est formée du concours de trois ordres de facultés premières : une faculté créatrice, spéciale à l’imagination, les élémens instinctifs, et les facultés intellectuelles. Lorsque les sentimens et les passions dominent l’esprit, la faculté créatrice de l’imagination entre spontanément en exercice, et fait interpréter les actes et les paroles d’autrui, non plus selon la vérité, mais selon les inspirations des sentimens et des passions dont l’individu est animé. Ce travail est entièrement involontaire : sous l’influence de la passion, quand elle est puissante, l’homme est incapable de mettre en doute la réalité des conceptions que son imagination lui impose.

Tels sont les principes par lesquels M. Despine a prétendu expliquer les variétés si nombreuses de la folie. — Il serait superflu de critiquer longuement cette psychologie. M. Despine n’a pas démontré que les facultés intellectuelles et les facultés instinctives fussent à ce point indépendantes les unes des autres, et d’autre part il nous paraît avoir eu tort de ranger parmi les facultés instinctives ou morales des principes purement intellectuels, comme, par exemple, ce qu’il appelle la causalité. Qu’il y ait quelque chose de spontané dans la tendance qui porte l’esprit humain à la recherche des causes, on ne le conteste pas; mais cela revient à dire que le développement des facultés intellectuelles est spontané avant d’être réfléchi, doctrine qui n’est pas nouvelle. Il est également fort contestable que la raison ne soit que l’ensemble des connaissances suggérées par les facultés instinctives ou morales. Nous n’accordons pas davantage que la notion du devoir soit le produit d’un pur instinct : concevoir l’obligation de résister à certains désirs, d’accomplir certains actes, c’est au premier chef un fait intellectuel, bien que cette connaissance ne soit pas le résultat des facultés réflectives ou discursives de l’esprit, et qu’elle se manifeste spontanément dans la raison. Enfin, s’il est vrai que le devoir n’est pas conçu par tous les