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de noms : Banque berlinoise pour les constructions, Société berlinoise pour les constructions de maisons, Société générale pour les constructions de maisons, Association germano-hollandaise pour les constructions, Société allemande pour les constructions, Société prussienne pour les constructions, Banque prussienne pour les constructions, Banque provinciale pour les constructions. Banque provinciale pour les constructions et le commerce. Banque générale pour le commerce et les constructions, Banque centrale. Banque impériale ?.. J’en passe une quantité, car il y eut plus de cent sociétés pareilles dans l’Allemagne du Nord. et du centre.

Tout ce monde se mit à l’œuvre avec ardeur ; d’énormes capitaux furent appelés et versés: chaque jour, de nouveaux projets se produisirent, et voici ce qu’il advint d’abord : Les créateurs des sociétés avaient parlé de remédier à la « disette des logemens, » dont Berlin, à les entendre, souffrait beaucoup ; mais le premier effet de leurs spéculations fut une hausse énorme sur les loyers. Cette hausse avait commencé le jour où la tribu des financiers, prenant joyeusement possession de « la capitale du monde, » avait installé ses banques et les bureaux de ses sociétés, ses directeurs, ses administrateurs, ses agens, dans les plus belles rues, les plus belles maisons, les plus beaux appartemens. La hausse augmenta quand on parla de la « disette des logemens, » quand l’accroissement de la population berlinoise se fit sentir, et que les mots d’expropriation, de percement de voies nouvelles, furent prononcés. C’était, avant 1870, un mauvais métier que celui d’entrepreneur de constructions ; cela menait tout droit à la prison pour dettes. Presque toute la propriété foncière de Berlin était grevée d’hypothèques pour les quatre cinquièmes de sa valeur, et les familles riches aimaient mieux louer que bâtir. En quelques jours, tout changea : bâtir devint plus économique, et l’on bâtit avec fureur ; Berlin vit s’élever des palais, et tout un quartier neuf, peuplé de jolies maisons, entoura le Thiergarten. Aussitôt la spéculation se met de la partie. On achète des maisons, non pour les garder, mais pour les revendre ; tel immeuble passe en un jour par dix mains. L’acte d’acquisition d’une maison est une valeur très disputée à la bourse. Les propriétaires sont assiégés par des acheteurs ; grand est leur embarras, car dans cette hausse fiévreuse du prix des immeubles, ils ne savent plus à quel taux céder. On a raconté à Berlin l’histoire d’un de ces malheureux qui, après avoir exigé 120,000, 150,000, 200,000 thaler d’une maison, avait fini par la vendre 250,000. Quinze jours plus tard, il sut qu’une banque l’avait rachetée 400,000 thaler. Il n’en demanda pas davantage et se pendit.

Ces folies n’étaient point pour diminuer « la disette de logemens. »