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à Lajoie et à Fortuné, membres du conseil de surveillance. Leloup était président du conseil de surveillance, Renard sous-directeur : cela vaut à chacun d’eux 50,000 thaler. En tout, Dupont compte 160,000 thaler à ses associés ; il lui reste 840,000 thaler, sur lesquels il s’acquitte envers Durand (400,000 thaler) et met de côté le capital d’exploitation de 200,000 thaler. Quant à lui, sa part de bénéfice est l’excédant, soit une bagatelle de 240,000 thaler. Le tour est joué. Maintenant la fabrique peut commencer à travailler : elle n’ira pas longtemps. Les frais d’acquisition sont énormes, l’administration détestable : le capital d’exploitation s’épuise. La crise générale, produit de mille spéculations semblables à celle qui vient d’être racontée, fait sentir ses effets, qui sont la hausse des salaires et la diminution de la consommation. Au bout d’un an, on parle d’emprunt ; les actions perdent 5/6es de leur valeur nominale. On parle de faillite : la faillite arrive.

Pour en finir avec l’histoire de ces sociétés industrielles et pour montrer d’un coup l’étendue du mal qu’elles ont fait, il suffit de comparer la cote de la bourse de Berlin, comme a fait M. OEchselhauser, à cinq années de distance, en 1870 et 1875. En 1870, cette cote (notons bien qu’il s’agit ici seulement de la bourse berlinoise) comptait 28 sociétés, représentant un capital de 98 millions de marcs ; c’étaient des sociétés sérieuses et que la crise a peu touchées : leur dividende moyen était en 1874 de 5,88 pour 100, un peu plus élevé qu’avant la guerre. Après 1876, 225 sociétés nouvelles sont inscrites à la cote, représentant un capital de 564 millions de marcs ; leur dividende moyen débute à 10,38 pour finir à 1 pour 100, et ce dernier chiffre ne saurait même donner l’idée de l’énormité des pertes subies par les actionnaires, car un très grand nombre des sociétés sont en faillite, et, dès 1874, 136 d’entre elles ne donnaient aucun dividende.


III.

On n’entreprendra pas de raconter ici l’histoire de toutes les valeurs de spéculation qui ont subi les effets de la dernière crise allemande ; un énorme volume n’y suffirait pas. C’est assez d’avoir montré comment, pourquoi, jusqu’où l’on s’est trompé. Ajoutez pourtant que toutes les valeurs ont été plus ou moins atteintes, j’entends presque toutes les valeurs nouvelles. Quelles lamentables aventures encore que celles des actionnaires des chemins de fer ! Au lendemain de la guerre, les compagnies privées et l’état, qui est en Prusse propriétaire de plusieurs lignes, agirent avec une légèreté sans pareille. Entraînés par la fièvre générale, ils voulurent d’un