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du système qui a trouvé depuis son expression dans la « loi des garanties. » Le pouvoir temporel disparaissait tacitement. Le pape restait souverain avec les prérogatives, les droits, l’inviolabilité, les honneurs de la souveraineté. Le saint-père devait avoir un large patrimoine immobilier dans le royaume, garder la propriété absolue du Vatican et de quelques autres palais ou résidences. L’église devenait complètement libre, indépendante dans son ministère spirituel. L’état renonçait à tous ses droits, à toute intervention dans les affaires de l’église. C’était le grand traité de paix depuis si longtemps médité, rêvé par Cavour et résumé dans ce mot, qui a retenti partout : « l’église libre dans l’état libre ! »

Jusqu’à quel point la cour de Rome entrait-elle sérieusement dans cette négociation ? Il est bien certain du moins qu’elle semblait d’abord s’y prêter. Le père Passaglia était l’intermédiaire le plus actif entre Rome et Turin ; le cardinal Santucci acceptait le rôle de négociateur. Les uns et les autres voyaient le pape qui les écoutait, si bien qu’un jour Cavour recevait à Turin cette dépêche : « Le cardinal Santucci a cru devoir tout dire au pape... il lui a parlé de la perte inévitable du temporel et des propositions amicales qui sont faites. Le saint-père s’est montré résigné. Antonelli a été mandé; il a fait d’abord une vive opposition, puis il s’est aussi résigné et il a demandé au pape de les délier, lui et Santucci, du serment, pour traiter de l’abandon possible du temporel. Ils verront Passaglia, et celui-ci me demande de leur part que quelqu’un soit désigné ici ou envoyé de Turin pour négocier. On prie que la personne choisie ne soit pas un avocat! » Et aussitôt le télégraphe en portait la nouvelle vers Paris à l’adresse de l’empereur, qui, à vrai dire, en s’intéressant au succès, ne paraissait pas espérer beaucoup. Cavour, lui aussi, ne se flattait pas sans doute de toucher si vite le but; il croyait néamoins voir une porte s’ouvrir, il redoublait d’efforts, il désignait les négociateurs qui lui avaient été demandés, et il écrivait au père Passaglia : « J’ai la confiance qu’avant Pâques prochain vous pourrez m’expédier le rameau d’olivier, symbole de paix entre l’église et l’état, entre la papauté et les Italiens... » Qu’arrivait-il cependant? Au moment où un premier pas semblait fait vers une négociation, tout changeait brusquement de face. Ou bien le cardinal Antonelli n’avait paru céder que par subterfuge pour mieux pénétrer les desseins de ses adversaires et se donner les moyens de les combattre, — ou bien il avait retrouvé l’espoir d’échapper à la nécessité, il avait cru voir les symptômes d’événemens prochains en Europe, les signes d’une intervention possible des puissances catholiques.

Évidemment un dernier effort avait été tenté pour retenir le pape,