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les diverses phases de la fabrication. Il arrive souvent que tout le travail soit compromis par la multiplication fortuite des fermens de maladie; quand le mal est assez avancé pour provoquer les plaintes des cliens, le brasseur a recours à l’obligeance d’un confrère pour changer de levain. « Lorsqu’on songe, dit M. Pasteur, que la levure est un être vivant, et que le milieu qui lui sert d’aliment, ou l’eau dans laquelle elle séjourne, est extrêmement propre au développement d’un grand nombre d’autres êtres microscopiques, la pureté relative de la levure, bien plus que son altération, a lieu de surprendre. » Mais le microscope permettrait presque toujours de reconnaître l’existence du mal à temps pour prévenir les pertes qu’il pourrait entraîner. M. Pasteur raconte qu’il y a quelques années il eut l’occasion de visiter une grande brasserie de Londres et d’y faire l’examen microscopique des levures. Celle du porter se trouva remplie de fermens de maladie; les directeurs de l’usine avouèrent que le jour même on avait été obligé de chercher un nouveau levain dans une autre brasserie. La levure du pale-ale en fabrication renfermait aussi les filamens de la bière tournée ; il en était de même du pale-ale déjà collé. M. Pasteur ayant déclaré que toutes ces bières s’altéreraient rapidement si on ne s’empressait pas de les consommer, les assistans, après quelques hésitations, convinrent qu’en effet depuis quelque temps les produits de la brasserie étaient défectueux. « Comprenant sans doute, d’après ce qui venait de se passer, que les confidences faites à un savant n’étaient pas toujours sans utilité pratique pour le fabricant, ils finirent par m’avouer qu’ils avaient en réserve dans leur brasserie une grande quantité de bière qui s’était gâtée en tonneaux quinze jours au plus après la confection. » L’examen microscopique du dépôt amassé au fond des immenses réservoirs qui contenaient cette bière montra qu’il était uniquement formé de filamens de maladie ! — Moins de huit jours après, dans une nouvelle visite qu’il fit à cette même brasserie, M. Pasteur apprit qu’on s’était empressé d’acquérir un microscope et de changer de levain pour toutes les sortes de bières remises en travail depuis sa première visite.

Les preuves de la corrélation étroite qui existe entre les fermens de maladie et les altérations de la bière abondent; M. Pasteur a multiplié les expériences pour la mettre en lumière. L’une des plus frappantes est celle-ci. Dans un ballon à deux tubulures, dont l’une est droite et se ferme par un bouchon de verre, tandis que l’autre est étirée en col de cygne effilé, on fait bouillir du moût de bière, en laissant sortir la vapeur d’abord par le tube droit débouché, puis, celui-ci étant fermé, par le col recourbé. Les parois intérieures du ballon ayant été ainsi nettoyées par la vapeur, on laisse refroidir. Dans ces conditions, le moût se conserve aussi longtemps qu’on