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veut sans la moindre altération, bien qu’il soit en contact avec l’air extérieur; c’est que les germes qu’il contenait ont été tués par l’ébullition, et que les poussières de l’air ne dépassent pas l’orifice du col recourbé. « L’expérience démontre si bien, dit M. Pasteur, que dans de tels vases en libre communication avec l’air les poussières extérieures ne peuvent pénétrer, qu’après dix et douze années le liquide, s’il est de sa nature limpide, ne se trouve pas le moins du monde sali, ni à sa surface de niveau, ni dans sa masse, tandis qu’extérieurement les parois du vase sont couvertes d’une couche épaisse de poussière. » Le ballon est maintenant disposé pour être ensemencé : c’est un terrain vierge où ne pousseront que les plantes que nous y aurons semées. Débouchons le tube droit, introduisons, avec toutes les précautions nécessaires, une goutte de levure parfaitement pure, et remettons le bouchon après l’avoir passé dans la flamme d’une lampe à alcool. Le liquide entrera en fermentation, et au bout de deux ou trois jours la bière sera achevée. Cette bière peut se conserver indéfiniment dans le ballon sans jamais s’altérer; elle s’évente à la longue, elle vieillit, se vine, mais elle ne devient ni sûre, ni aigre, ni amère, ni putride, malgré le contact de l’air extérieur. Il n’en est pas de même quand la levure renferme des organismes étrangers, des fermens d’une autre nature; dans ce cas, on ne tarde pas à voir apparaître les maladies spéciales qui proviennent de ces fermens.

En résumé, l’absence d’organismes microscopiques étrangers à la levure de bière correspond invariablement à une bière saine et qui reste telle au contact de l’air pur, quelle que soit la température ; d’autre part, la présence de ces organismes dénote toujours une bière malade, dont la maladie répond au caractère spécifique des parasites qui s’y développent, et l’altération est d’autant plus sensible que ces derniers sont plus abondans. Il semble donc qu’il ne puisse rester aucun doute sur la relation constante qui existe entre les maladies de la bière et la présence des fermens parasites.

La conclusion pratique à tirer de ces faits, c’est qu’il importe avant tout de s’assurer de la pureté de la levure dont on veut faire usage, puis de mettre le moût, et plus tard la bière elle-même, autant que possible à l’abri des germes de fermens parasites que l’air ambiant ou les objets qui sont en contact avec ces liquides pourraient y apporter. Mais il est clair que l’efficacité des prescriptions fondées sur ces vues ne saurait être admise que si on accepte les principes mêmes de la doctrine de M. Pasteur, c’est-à-dire la relation de cause à effet par laquelle les fermentations dépendent de la présence de germes vivans et l’autonomie des divers fermens qui naissent de ces germes. Toutes les précautions qu’on prendrait pour isoler la levure seraient vaines, si les matières albuminoïdes avaient