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en pointe fine que l’on ferme à la lampe, puis on l’enfonce dans le grain posé sur un corps dur, et l’on brise la pointe en appuyant à faux; il suffit de chauffer le ballon dans la main et de le laisser ensuite refroidir pour qu’une goutte du suc soit aspirée par la pointe brisée. On amène cette goutte au contact du moût en inclinant le ballon et le redressant ensuite. Enfin les dix derniers ballons sont gardés comme témoins. Au bout de quelques jours, les dix premiers, qui ont été ensemencés avec l’eau de lavage brute, sont en pleine fermentation, et la surface du liquide y est tapissée de moisissures, tandis qu’on ne remarque aucune altération ni dans les ballons témoins, ni dans ceux qui ont reçu les gouttes d’eau de lavage préalablement bouillies, ni dans ceux où avait été déposée une goutte du suc des raisins. Ni le moût de raisin cuit, ni le suc de raisin, ne peuvent donc déterminer une fermentation; il faut pour cela l’intervention des germes proprement dits.

La preuve, c’est que les liquides les plus altérables restent parfaitement limpides et stériles aussi longtemps qu’ils ne sont en contact qu’avec l’air pur, et qu’il suffit, pour y voir apparaître des moisissures ou des infusoires, de les exposer à l’air libre ou de les introduire dans un vase qui n’a pas été soigneusement purifié. Les belles recherches de M. Tyndall sont venues tout récemment confirmer d’une manière éclatante cette corrélation supposée entre les altérations des liquides et les germes répandus dans l’air.

M. Tyndall en effet a découvert le moyen de rendre visibles à tous les yeux ces poussières fécondes qui sont suspendues dans l’atmosphère : invisibles directement, elles manifestent leur présence par la réflexion des rayons lumineux. L’air dans lequel le passage d’un rayon de soleil ne trace plus de sillon lumineux même pour des yeux rendus sensibles par un séjour dans l’obscurité, a perdu aussi son pouvoir d’engendrer la vie. On peut le rendre optiquement pur par l’action du feu, par la filtration à travers la bourre de coton, ou simplement par le repos prolongé dans un espace hermétiquement clos : ainsi purifié, il ne diffuse plus la lumière, et des infusions qu’on laisse pendant des mois dans cet air confiné demeurent inaltérées, tandis qu’exposées à l’air ordinaire elles fourmillent de microzoaires au bout d’un jour ou deux.

Pour démontrer ces propositions, M. Tyndall a fait construire des caisses de bois, vitrées sur le devant et munies de deux regards, fermés par des glaces, sur les deux faces latérales. Les parois intérieures de ces caisses sont enduites d’une couche de glycérine. Au bout de deux ou trois jours, les poussières flottantes se sont déposées, et un faisceau concentré de lumière que l’on envoie à travers les deux regards opposés reste invisible dans l’intérieur de la chambre vitrée : la traînée lumineuse s’arrête brusquement à