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qu’un seul fiancé. » C’est un brevet de vertu suffisant. Du reste, à ceux qui seraient tentés de juger sévèrement les mœurs allemandes d’après la quantité d’enfans naturels, il faut faire observer que le mariage est entouré dans ce pays de difficultés telles, que c’est un luxe presque inaccessible pour la classe pauvre. Wilberforce, dans sa Vie sociale à Munich, dit, en parlant d’une ville où l’on inscrit dans la même année 176z naissances illégitimes pour 1762 naissances régulières : « Le gouvernement oppose au mariage tant d’obstacles que c’est à peu près comme s’il l’interdisait. »

On peut douter que ces obstacles, déplorables au point de vue moral, soient, même au point de vue de l’économie politique, une sage précaution, car si là paroisse n’a pas à soutenir des familles pauvres, en revanche les travailleurs émigrent par milliers avec leur nombreuse progéniture qu’ils vont légitimer en Amérique. « Que voulez-vous ? Le mariage est une exception et non pas une règle chez cette sorte de gens, répondit une amie à l’auteur du German home life, qui se plaignait de ne pouvoir trouver une bonne d’enfant irréprochable. Nos enfans ne sont que mieux soignés par ces filles qui ont l’expérience de la maternité. » — Et la fille-mère n’a aucune confusion de ce qui ailleurs est qualifié de faute ; elle parle avec un sourire innocent de son enfant, pour lequel elle travaille avec la sérénité d’une bonne âme qui accomplit un devoir.

Plus encore que la nourrice, qui n’est qu’un ornement de passage, le chasseur contribue à la gloire de la maison. Ses panaches, son uniforme, lui donnent la mine d’un général. Les épaules effacées, la poitrine en avant, il suit son maître comme une ombre attentive, tantôt derrière sa chaise à table, tantôt sur le siège auprès du cocher, tantôt à la chasse, où il charge les fusils et compte le gibier. Le chasseur découpe, surveille la cave, fourbit les armes et propose sa prestance superbe à l’admiration de tout le voisinage.

Le plus accompli des domestiques allemands est le Kellner (garçon d’hôtel ou de restaurant), mais il n’appartient pas à la vie de famille. Tous les voyageurs ont pu apprécier son activité, sa bonne humeur, son talent merveilleux pour porter à la fois cinquante verres et trois cents assiettes. Il a le don d’ubiquité ; vous le trouverez à Rome, à New-York, à Londres, à Pétersbourg, à San-Francisco, toujours le même, affairé, infatigable.

Il serait injuste d’oublier, dans cette énumération de la domesticité allemande, le corps irrégulier, mais infiniment utile, des Dienstmänner et des Botenfrauen, commissionnaires des deux sexes. La plupart des villes possèdent un bureau de Dienstmänner. Ces hommes portent la blouse et le baudrier ; ils sont indispensables dans un pays où jamais marchand n’eut l’idée d’envoyer un paquet. Le Dienstmann vous suit de boutique en boutique, et, moyennant