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industriel, dit plébéien. Il est donc probable qu’on épousera un officier ; alors il s’agit de trouver le cautionnement, plus ou moins considérable selon le grade du fiancé, cautionnement qui doit être déposé entre les mains du gouvernement, afin qu’en cas de mort du mari la veuve puisse être assurée de vivre comme il convient à son rang. Tous les jeunes couples ne sont pas en mesure de déposer la somme requise ; de là nombre d’inclinations contrariées et une grande affluence de vierges délaissées dans les Stifte, sorte de couvens protestans fondés à l’intention des demoiselles nobles. Les amans favorisés sous le rapport de la fortune entrent dans la période bienheureuse et souvent très longue des fiançailles, qui autorise une certaine liberté. Ils sortent, ils font des visites ensemble, mais toujours sous l’œil d’une mère, dont la présence ne leur impose d’ailleurs aucune contrainte. Nous avons eu l’occasion de mentionner déjà cette impudeur étrange.

La veille du mariage a lieu une cérémonie très particulière, la Polsterabend ; tous ceux qui connaissent la fiancée se réunissent pour lui rendre visite, et chacun d’eux se procure un vase de faïence quelconque qu’il jette devant la porte, de sorte que les poteries accumulées rendent la rue impraticable. Cette coutume a sans doute son origine dans un vieux rite païen ; le but qu’on se propose paraît être de faire le plus de bruit possible ; on absorbe du café, du punch, etc., en débitant des vers plus ou moins appropriés à la circonstance, on prononce des discours, on porte des toasts ; c’est une épouvantable cacophonie.

Voyons maintenant quel est l’époux auquel se livre la blonde Allemande. Certes, l’aigle qui enlève une colombe ne diffère pas plus absolument de sa proie par l’humeur et les allures. Tandis que la petite fille s’étiolait dans l’atmosphère étouffée du poêle, le jeune garçon suivait le régime le mieux fait pour développer toutes ses énergies. Il faisait partie d’un Turnverein, d’une société de gymnastique ; mêlé à la bande joyeuse de ses camarades, il entreprenait des voyages à pied, il s’adonnait à tous les exercices physiques imaginables, sans préjudice des travaux de l’esprit. Étudiant, il portait des rapières, de grandes bottes, de longs cheveux, il s’évertuait à boire trop de bière, à fumer trop de pipes, à taillader force nez et force oreilles, à persécuter le philistin ; mais ces allures tapageuses n’ont qu’un temps, celui de la première jeunesse ; l’ordre se rétablit vite. Qui dit Allemand, dit soldat, c’est-à-dire le type même de la soumission et de l’exactitude. Le service militaire est la meilleure éducation pratique pour les hommes de toute classe.

Le fermier, le petit marchand en Allemagne, retourne à sa charrue et à son comptoir, ayant appris la discipline et l’obéissance une fois pour toutes. Les officiers, gens instruits autant que nobles,