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que la session a commencé, on a passé le temps à créer des difficultés, « comme s’il n’y en avait pas assez, à se quereller, à se diviser, à se décomposer, et à ne retrouver une certaine cohésion que pour infliger des mécomptes, des ennuis à un gouvernement qu’on prétend soutenir. Tout le monde y a passé. Le ministre de la guerre a eu son contingent de déboires avant les vacances. Le ministre de l’intérieur, il y a deux ou trois semaines, n’a pu sauver ses sous-préfectures, qui se trouvent pour le moment dans cette condition singulière d’exister toujours, puisque la loi qui les a créées n’est point abrogée, et d’être privées d’une allocation budgétaire. Depuis huit jours, M. le garde des sceaux est sur la brèche, et, quant à lui, il ne peut rien sauver ; pour le dire en passant, on expose même M. le président du conseil à des scènes pénibles qui devraient lui être épargnées, qui sont plus humiliantes pour la chambre qui les tolère que pour l’homme résolu à remplir son devoir jusqu’au bout. De tout cela quelle est la conclusion fatale ? Elle est malheureusement assez claire : c’est l’affaiblissement des institutions, du gouvernement, de l’autorité parlementaire elle-même. Il y a certainement dans la chambre des hommes qui le sentent, qui comprennent qu’on ne peut pas marcher ainsi au milieu de ces divisions, dans cette impuissance organisée, dans cette obscurité troublée, et, comme il arrive toujours, ils cherchent sur qui rejeter la responsabilité. — C’est la faute du garde des sceaux, c’est la faute du ministère ! On ne pourrait pas dire absolument le contraire, et c’est là sans doute un autre côté de cette question qui s’agite aujourd’hui. Il est certain que le ministère va un peu à la dérive depuis quelque temps ; il en est venu à ne plus trop savoir quels sont ses rapports réels avec la majorité, et peut-être quels sont ses rapports avec lui-même. Il vit d’un appui précaire, menacé s’il n’agit point, assailli de toutes parts s’il se décide à l’action. Évidemment son existence peut dépendre d’un vote plus ou moins imprévu.

A qui sera réellement la faute, et quelles en seront les conséquences ? Oui, c’est bien certain, le ministère lui-même y est pour quelque chose. Il ne s’est pas assez préoccupé de la nécessité de rallier, de discipliner cette majorité dont il avait besoin. M. le président du conseil, avec ses éminentes qualités, avec son autorité et sa raison vigoureuse, n’a peut-être pas eu à tous les momens l’initiative qu’il aurait dû avoir ; il a laissé naître ou s’aggraver des difficultés qu’il aurait pu détourner ou atténuer par une résolution prise à propos. M. le ministre de la guerre, nous en convenons, n’a pas porté jusqu’ici un grand secours au gouvernement. Il n’a paru au sénat que pour soutenir des idées un peu routinières, des traditions de bureaucratie, dans la discussion de la loi sur l’administration de l’armée, et la fatalité a voulu qu’il fût retenu par cette discussion même, le jour où sa présence aurait pu être utile à la chambre des députés pour vider sur-le-champ cette inopportune et maussade question des honneurs funèbres. M. le général Berthaut fera certainement