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fonctionnaires, Hong-kong est ce que les Anglais appellent crown colony, c’est-à-dire qu’elle ne dépend que de la reine et qu’elle est gouvernée au moyen des ordonnances royales par un fonctionnaire unique, assisté d’un conseil non électif et nommé par la couronne. En 1841, l’île n’était qu’un repaire de malfaiteurs et de pauvres pêcheurs s’élevant au nombre d’environ 5,000 ; elle compte aujourd’hui 122,000 habitans. il entre par an dans le port 25,000 navires de diverses grandeurs, d’un tonnage total de 3,119,190 tonnes et montés par 385,576 hommes d’équipage. Ce qui a fait la rapide prospérité de Hong-kong, c’est que les Anglais n’ont pas hésité à le déclarer port franc ; presque toutes les marchandises d’Europe qui entrent en Chine viennent s’y transborder avant de franchir la ligne des douanes chinoises. Mais on peut lire sur bien des figures ce que coûte la grandeur de l’Angleterre. Il est peu de résidens blancs qui, au bout de quelques années, échappent à l’anémie, à l’hépatite, à la dyssenterie ; les femmes surtout, pâles, amaigries, les enfans décolorés, sans gaîté, sans vie, font peine à voir. En vain les hommes essaient-ils de réagir par une hygiène violente, de s’entraîner au cricket, aux courses, aux luttes de vitesse, ils tombent presque infailliblement dans l’abus des drinks, des boissons alcooliques : l’estomac s’affadit, l’appétit disparaît, le régime des pickles détruit les tissus, et les médecins renvoient bien vite leur malade guérir ou mourir chez lui.


II

Du 15 au 22. — Me voici à bord du Kiu-kiang, steamer d’une compagnie anglaise qui fait le service entre Hong-kong et Canton. Ces navires sont construits pour remonter les fleuves avec un faible tirant d’eau, et leur aménagement disposé pour recevoir de nombreux passagers. En ce moment, 600 Chinois s’entassent, au dernier coup de cloche, dans l’entrepont des secondes, tandis que j’occupe, moi deuxième, le salon des premières, interdit aux gens de couleur. Nous ne tardons pas à entrer dans les eaux limoneuses du Chu-klang, ou Rivière des perles, plus généralement appelée Rivière de Canton, dont la configuration fait la richesse de Canton.

Les deux provinces du Kuang-si et du Kuang-tong forment en effet un vaste demi-cercle, borné par des montagnes, d’où s’échappent une multitude de cours d’eau, qui tous viennent se réunir au pied des murs de Canton pour se jeter de là à la mer par une infinité d’embouchures, dont la principale, Bocca-tigris, celle que nous franchissons, a été défendue par des forts aujourd’hui en ruine ? Grâce à cette disposition en double éventail, c’est à Canton que se concentre forcément le négoce de tout l’intérieur, qui de là reflue