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tarde pas à naître de l’identité des griefs, et c’est un gage de bon accueil ici que de ne pas appartenir à la nation qui a ruiné Macao par sa concurrence et vient monopoliser jusque sur la Praya le peu de commerce qui subsiste encore.

Rien de plus mélangé, rien de plus curieux que la population de Macao. Les Portugais de race pure, nés en Europe, sont très peu nombreux ; les différens fonctionnaires civils et militaires sont à peu près les seuls avec quelques négocians ; puis viennent les macaïstes, c’est à dire les individus nés en Chine de parens tous deux portugais, puis les métis nés d’un mélange à des degrés divers de sang européen et de sang chinois ; ceux-ci comptent de 4,000 à 5,000 âmes ; enfin les Chinois qui, soumis depuis des siècles au contact des étrangers, ont contracté une certaine urbanité de manières qu’ils n’ont pas ailleurs ; ils se livrent au commerce et exercent les métiers les plus variés. Il y en a malheureusement dans le nombre qui sont d’affreux bandits ; malgré les efforts d’une police vigilante, on ne peut purger la ville des pirates dont elle est l’asile et le magasin de recel. Quant aux métis, qui tantôt se rapprochent du type portugais, tantôt se confondent avec les Chinois, ils vivent tout à fait séparés de la société européenne, s’occupent d’affaires et enferment soigneusement leurs femmes.

On a quelque chance de voir toutes ces catégories sociales se coudoyer autour des jeux installés sous l’œil tolérant de la police dans le quartier chinois. C’est là que se trouvent invariablement groupés ensemble le tripot, le restaurant et un troisième genre de bouge dont la réunion offre au joueur l’occasion facile de se consoler de ses pertes, ou de jouir de son gain. Le jeu de hasard usité est celui dit de la petite tasse. Le croupier a devant lui un monceau de sapèques qu’il couvre avec une sébile de cuivre ; on fait les jeux, puis il commence à compter les sapèques quatre par quatre, jusqu’au dernier groupe restant, qui se trouve être nécessairement de 1, 2, 3 ou quatre pièces. On gagne ou l’on perd suivant qu’on a parié pour un de ces numéros. J’ai vu jouer là des sommes de 100 piastres par des malheureux en guenilles ; la table n’est pas assez grande pour le nombre des joueurs, aussi a-t-on ingénieusement doublé la salle en ouvrant le plafond et créant à l’étage supérieur une galerie d’où les joueurs peuvent en se penchant suivre tout ce qui se passe sur le tapis, envoyer leur enjeu et recevoir leurs gains dans un petit panier qui trop souvent remonte vide. Il y a des Européens de Hong-kong qui viennent ici tout exprès pour tenter la chance.

Le son, inusité pour moi, d’une volée de cloches annonce le dimanche, C’est une bonne fortune qu’il ne faut pas laisser échapper, d’autant meilleure que la fête de san José, célébrée avec une