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je crois, qui, dans l’année 1876, a le plus occupé la presse russe après la question d’Orient.

Derrière les boissons, mais à une grande distance, marchent presque de front dans le budget russe deux articles dent ailleurs le fisc s’est souvent réservé le monopole : le sel et le tabac. Le premier apporte un contingent d’un peu plus, et le second d’un peu moins de 11 millions de roubles. C’est là un chiffre minime pour le tabac dans un pays où, en dépit de l’opposition religieuse de certains raskoiniks, une grande partie de la population fume, et où les femmes, même en public, ne s’interdisent point toujours ce plaisir. Il est vrai qu’en Russie comme en Espagne, la cigarette est peut-être d’un usage plus général que le cigare ou la pipe, et que ces derniers sont pour le fisc de meilleurs auxiliaires. La progression de la taxe est du reste rapide ; vers 1860, le tabac ne donnait pas au trésor 3 millions de roubles ; en 1872, il produisait déjà 10 millions. Le revenu annuel avait plus que triplé en une dizaine d’années, et quoique la marche ascensionnelle se soit depuis ralentie, c’est un des chapitres du budget qui paraissent susceptibles d’une large augmentation dans l’avenir.

Il n’en est pas ainsi du sel, aujourd’hui placé sur la même ligne et même avant le tabac dans le tableau des recettes. Pour avoir le chiffre total des impôts perçus de ce chef, il faut ajouter aux 11 millions de roubles fournis par l’accise sur la production des salines de l’intérieur, plus de 7 millions de roubles perçus par les douanes sur les sels de l’étranger, en particulier sur les produits des célèbres mines de Wielicka, près de Cracovie. La conformation continentale de la Russie fait qu’une grande partie de l’empire est, de ce côté, tributaire de l’étranger. L’est et le sud possèdent seuls de riches salines, comme le lac d’Elton, dans la steppe du Bas-Volga, ou les dépôts de Crimée. Le sel indigène n’est plus aujourd’hui en régie, mais l’impôt n’en est ni plus populaire ni moins critiqué. On lui fait les mêmes reproches qu’ailleurs. L’on prétend que, grâce aux intermédiaires, le contribuable paie beaucoup plus que ne touche le fisc, 5 ou 6 millions de roubles en sus, dit-on, et comme les frais de perception s’élèvent à 1,800,000 roubles, on assure que le trésor ne reçoit guère que la moitié de ce que coûte au pays la gabelle. L’on rappelle que l’impôt du sel est une seconde capitation mise sur les basses classes, déjà si rudement frappées par l’impôt personnel et l’impôt des eaux-de-vie. Les droits sur le sel sont enfin représentés comme pernicieux pour la santé publique, dans un pays froid où le régime du peuple est encore pauvre et peu substantiel. Selon un écrivain déjà cité du Vesl-ik Evropy, les Russes ne consomment par tête que 17 livres de