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Le contrôleur de l’empire nous apprenait ces derniers jours qu’en 1875 la poste a donné des recettes de 900,000 roubles supérieures aux évaluations budgétaires. L’extension des affaires et la diffusion de l’instruction ont simultanément contribué à ce progrès. Malgré cette constante amélioration, les postes ne couvrent probablement pas encore en Russie les frais qu’elles coûtent. Aux frais de la poste aux lettres s’ajoutent du reste ceux de la poste aux chevaux, qui comme l’autre atteint les extrémités de l’empire. Dans ce pays, où les distances sont si vastes, où la population est souvent éparse et d’ordinaire peu lettrée, les communications et la correspondance ont un double obstacle. Ce n’est point une petite affaire que d’organiser un service régulier pour les lettres dans toutes les parties du vaste empire. En Asie, il y a des localités que la poste ne visite que tous les trois ou six mois. En Europe, dans le centre même de l’empire, le facteur rural ne pénètre dans les campagnes les plus favorisées que deux ou trois fois par semaine. L’état du reste a eu la sagesse de toujours regarder les postes non comme une matière fiscale, mais comme un des plus importants services publics, et dans cette difficile mission il a aujourd’hui pour auxiliaires les nouvelles assemblées provinciales, qui, en vue du développement des relations postales, s’imposent souvent d’intelligens sacrifices[1].

Une source de revenu plus considérable et qui, dans un avenir plus ou moins long, promet des plus-values autrement importantes, ce sont les domaines de l’état. Les biens de l’état, ou autrement dit de la couronne, sont énormes. Ils couvrent une grande partie de la surface de l’empire, presque la moitié de la Russie d’Europe, près de 250 millions d’hectares, ou environ cinq fois l’étendue de la France. Une grande partie de ce gigantesque domaine est composée de forêts situées dans le nord de l’empire ; une autre est formée de terres en culture et de prairies, et quoique de vastes espaces en demeurent inhabités ou incultes, les biens de l’état portent une population de 23 ou 24 millions d’habitans. La couronne de Russie est ainsi aujourd’hui, comme à l’époque moscovite, le plus grand propriétaire foncier de l’Europe et probablement du globe. Quelles immenses ressources, quelle énorme réserve pour les

  1. Les journaux russes nous donnent un curieux résumé de la statistique postale en 1874. Le personnel du service se composait de 5,130 employés et de 7,800 facteurs, postillons, etc. Le total des lettres expédiées dans l’intérieur était de 65 millions, dont plus de 20 millions expédiées en franchise pour la correspondance administrative. Il y avait là-dessus 5,000 lettres chargées, représentant une valeur de 1 milliard 435 millions de roubles. Ce dernier chiffre, s’il est exact, indique pour le commerce intérieur de l’empire un chiffre plus élevé qu’on ne le suppose d’ordinaire à l’étranger.