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désire, et qu’il n’est nécessaire… Vous savez ce que je vous en dis à votre partement. Je sais aussi ce que ci-devant et depuis je lui en ai mandé. Il me semble que les occasions qui se présentent obligent ses semblables de m’y assister, sans attendre que je leur en fasse le commandement. Toutefois je l’aime et je l’estime tant, que non-seulement je l’ai bien voulu demander à cette fête, mais aussi lui préparer et retenir une place digne de lui. »

Bouillon plaida sa mauvaise santé, les nécessités des églises qui l’avaient nommé leur député avec La Trémoille, du Plessis-Mornay et le fils de La Noue ; bref, il désobéit. Amiens repris, Henri IV alla recevoir en Bretagne la soumission de Mercœur ; à Angers, il somma Bouillon et La Trémoille de venir le voir : il fallut obéir, et il ne paraît pas que le roi leur fit voir trop d’humeur. Ils eurent la mortification de voir Mercœur recevoir à millions de livres quand le royaume était ruiné. Le roi lui accorda les conditions de paix les plus favorables, grâce aux sollicitations de la duchesse de Beaufort, et exigea seulement la main de l’héritière de Mercœur pour son bâtard de Vendôme. On alla à Nantes, où fut enfin signé le fameux édit, et la paix de Vervins suivit de près ce grand événement : Bouillon y fut compris comme seigneur de Sedan. Pendant les négociations, il avait songé un moment à faire joindre son fief de Sedan à l’empire pour devenir un souverain indépendant, mais Henri IV avait repoussé avec raison cette insolente prétention ; Bouillon n’en persista pas moins à se regarder comme à cheval en quelque sorte entre l’empire et la France, comme un feudataire plutôt que comme un sujet du roi de France.


III

La conspiration de Biron est une des plus odieuses de notre histoire. Biron, catholique, que, pour emprunter ses propres expressions, « le roi de maréchal de camp avait fait maréchal de France, de baron duc, et de simple soldat capitaine, » n’eut pas honte d’entrer dans les plus détestables projets avec le duc de Savoie et l’Espagne. Il avait commencé à conspirer pendant le siège d’Amiens, ce qui explique les fautes qu’il commit pendant ce siège[1]. Il entra en négociation directe avec le duc de Savoie, Charles-Emmanuel, après la paix de Vervins, quand celui-ci vint à Fontainebleau débattre les articles relatifs à la Bresse et au marquisat de Saluées. On sait comment Biron fut trahi par Lafin, un de ces misérables qui se trouvent souvent auprès des grands et nourrissent dans leur

  1. « J’ai vérifié que le dit duc de Biron fit commencer ce traité avec le dit archiduc dès l’année 1595, quand le dit archiduc, qui était encore cardinal, vint d’Espagne en Flandre. » (Lettre d’Henri IV à M. de Fresnes, ambassadeur à Venise, 12 juillet 1602.)