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de plus qu’une question de budget, qu’il y avait une opposition presque systématique, une incompatibilité croissante, et cette situation incertaine, amoindrie, ne faisait que se compliquer par cette malheureuse affaire des honneurs funèbres, qui a eu certainement un rôle décisif dans tous ces conflits publics ou intimes.

Le gouvernement, en présentant une loi médiocrement conçue pour régler les honneurs funèbres, commettait une imprudence évidente, et en retirant peu de jours après cette loi pour sortir d’embarras, il tombait dans un autre piège ; il allait, sans le savoir, au devant d’un incident fort imprévu qui ne pouvait que précipiter la crise. Qu’arrivait-il en effet ? Au moment où le projet était retiré, un membre de la commission chargée d’examiner la loi proposait un ordre du jour qui ressemblait à une solution de la question, et encore plus à une injonction signifiée au gouvernement. Chose plus extraordinaire ! Le ministre de l’intérieur, qui venait de lire le décret officiel retirant la loi, M. de Marcère, se hâtait d’accepter au nom du ministère cet ordre du jour improvisé. M. de Marcère obéissait sans doute à un entraînement instantané, peut-être même croyait-il faire un coup de maître en raffermissant le ministère par une manifestation éclatante de majorité. Il ne voyait pas qu’il engageait le gouvernement sans y être autorisé, ou qu’il avait l’air de rechercher auprès de la gauche de l’assemblée une certaine popularité au détriment de ses collègues. C’était une de ces légèretés par lesquelles un homme public compromet pour longtemps son crédit et sa position, s’il ne réussit pas dans son coup d’audace. M. de Marcère n’avait certainement pas réussi, il pouvait bientôt s’en douter en recevant les protestations les plus vives ; il n’avait pas même la chance d’être approuvé par beaucoup de ses amis, qui n’avaient voté l’ordre du jour que sur sa déclaration. De toute façon le cabinet était dès lors obligé ou de se retirer tout entier ou de se reconstituer. Ce que les meneurs de la gauche avaient préparé par la campagne de la discussion du budget, M. de Marcère le précipitait par l’acte le plus irréfléchi.

Évidemment avec un peu plus d’esprit politique, avec moins de mauvaise humeur et de turbulentes impatiences dans les partis, avec moins d’hésitations et de maladresses de la part du ministère, ces difficultés auraient pu être évités pour le bien de tout le monde, surtout pour le bien des institutions dont la France fait la laborieuse expérience. Rien surtout de plus frivole, de moins intelligent que cette guerre dont on a poursuivi l’ancien président du conseil. M. Dufaure peut avoir ses habitudes d’esprit et de caractère, ses rudesses, si l’on veut ; c’est dans tous les cas un de ces noms qui honorent une cause, et la république qu’on veut fonder était la première intéressée à se présenter au pays à l’abri de cette illustration de l’intégrité et du talent. La république, il nous semble, a deux intérêts, celui de s’accréditer par sa modération,