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du pouvoir absolu. C’était là certainement un des grands résultats du règne d’Alexandre II : doit-il être compromis par la politique, et le budget russe devra-t-il être submergé de nouveau par le débordement du déficit ?


I.

C’est en 1871 que les finances russes ont atteint pour la première fois les bords escarpés de l’équilibre budgétaire. Jusqu’à cette date récente, le poids des charges imposées par la guerre de Crimée et l’émancipation des serfs retenait le budget dans le déficit. Le revenu avait beau s’élever, les dépenses grandissaient plus vite encore. En 1866, le déficit annuel était de 60 millions de roubles; en 1868, de 19 millions; en 1870, de 5 millions. Depuis 1871, la balance est renversée, et, sauf un léger écart en 1873, elle est toujours demeurée du côté des recettes. Les excédans sont devenus habituels et ont été en grossissant : 14 millions de roubles en 1874, 33 millions en 1875. C’est pour cette seule année, en comptant le rouble au cours avili des derniers mois, un boni d’une centaine de millions de francs[1]. Ce dernier exercice a présenté un double phénomène partout d’une extrême rareté : les dépenses de 1875 ont été inférieures aux dépenses de l’an précédent, et elles sont demeurées au-dessous des prévisions et des allocations budgétaires. Grâce à l’excédant des recettes en 1875 et aux reliquats des exercices antérieurs, le trésor avait en caisse, au 1er janvier 1876, une somme entièrement disponible de plus de 40 millions de roubles.

Ce brillant résultat n’a été atteint qu’avec une sévère économie, en mesurant rigoureusement les crédits accordés aux services publics. Dans la dernière période quinquennale, les dépenses ne se sont accrues que de 8 à 9 pour 100; dans les deux dernières années (1874 et 1875), elles sont même restées à peu près stationnaires. Ce fait montre la sagesse du gouvernement russe et aussi le besoin de ménagement et de paix qu’ont ses finances. Pendant longtemps, le grand ennemi de l’équilibre a été l’habitude des diverses administrations de réclamer des crédits supplémentaires. Les efforts du conseil de l’empire, stimulé par les rapports du contrôleur, sont en train de clore peu à peu cette porte de derrière par où les différens services échappaient aux limites budgétaires. Les supplémens de crédit, dont jusqu’en 1872 la moyenne annuelle montait à 35 millions de roubles, ont été ramenés à 26 millions en 1873, à 23 en 1874. Pour 1875, les allocations extraordinaires avaient été réduites à moins de 16 millions, qui ont été fournis par le budget

  1. Le rouble, on le sait, vaut au pair 4 francs. Les événemens d’Orient ont fait tomber le rouble de papier à 3 francs et au-dessous.