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n’avoir autre but que son service, ainsy que je proteste à vostre majesté ceux-ci n’estre réglez que de la passion qu’un fidèle subjet officier de sa couronne, aymant sa personne et son estat, luy peut donner pour demeurer tout le reste de ses jours,

« Sire, etc. »

(1er mars 1621.)


L’assemblée de La Rochelle avait poussé les choses à bout : elle avait répondu à l’expédition du Béarn par un véritable défi à l’autorité royale. Partageant les 722 églises en 8 cercles présidés par des gouverneurs assistés d’un conseil représentatif, elle avait ébauché une sorte de fédération. Elle intitulait audacieusement sa déclaration « loy fondamentale de la république des églises réformées de France et de Béarn. » Elle visait ouvertement en France le gouvernement des Pays-Bas avec leurs États et leurs stathouders. Rohan se crut le Guillaume de Nassau de son pays; Bouillon, usé par la goutte, refroidi par l’âge, éclairé peut-être par la haine qu’il portait toujours à Rohan, content de rester comme blotti à Sedan entre la France, les Pays-Bas et l’Allemagne, ne partageait pas les illusions dangereuses de l’assemblée de La Rochelle. Il voyait les églises protestantes disséminées sur tout le royaume, incapables de soumettre le pays tout entier à une organisation qui n’avait aucune racine dans le passé. Plus jeune, il eût peut-être lui-même tenté de mettre les forces protestantes en faisceau : il n’avait plus désormais d’autre ambition que de mettre les églises sous l’abri de la protection et de la parole royale; il refusa le commandement d’une armée que lui offrirent ceux de La Rochelle. Il s’employa à retarder des luttes qu’il considère comme funestes. Voici ce qu’il écrivait le 13 avril 1621 à Lesdiguières :


« .. Je vous diray seulement que, sachant, comme vous sçavez aussy, les appréhensions et craintes qui sont presque universelles parmi tous ceux de la religion de toutes les provinces qu’on peut rompre les édits et prendre prétexte de l’assemblée de La Rochelle et d’une désobéissance, j’estimerois que le roy aiant intention d’entretenir ses éditz, son autorité se maintiendroit mieux par l’exécution d’iceux et par la douceur que non par les armes qui trouveront de la contestation quand on croira qu’il n’y aura autre remède; et ce mal se pourroit rendre commun et passer plus avant de province en province selon que l’appréhension et la crainte s’augmenteront; et tournera en créance qu’on veut la ruine de ceux de la religion, et je m’asseure que, cela représenté par vous à sa majesté, elle y feroit grande considération. Lorsqu’il y va de la religion, la force n’est pas un bon moyen pour ramener les subjetz à l’obéyssance, lorsqu’ils croyent qu’on veut leur ruine. »