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que son exécution complète exigera une dépense de 314 millions. Dans le cas où la situation du trésor n’en permettrait pas la réalisation immédiate, on adopterait un projet réduit qui ne serait que le commencement d’exécution du premier. Ce projet réduit n’exigerait que 150 millions. Dans l’un et l’autre projet, Rome et la Spezzia figurent comme places de premier ordre, et les travaux qui les concernent sont classés en première urgence. Une double ceinture de forts détachés, avec camp retranché, couvrira la capitale de l’Italie, et l’ensemble de ces derniers travaux atteindra le chiffre de 40 ou 50 millions.

Telles sont les dispositions principales présentées dans le rapport de la commission générale de défense. Cette commission, présidée par le prince de Carignan, se composait exclusivement d’officiers généraux de l’armée, parmi lesquels on comptait plus d’un nom connu ou célèbre dans les armes et dans la politique : les généraux La Marmora, Menabrea, Della Rocca, Brignone, d’autres encore. Elle ne s’était occupée que de la partie purement militaire, se contentant d’attribuer des crédits plus larges aux travaux défensifs des arsenaux maritimes; mais elle n’en avait déterminé ni le choix ni l’emplacement. Ce choix n’était plus à faire : Venise et la Spezzia étaient déjà désignés, et dès 1865, sur l’initiative du général La Marmora, on nommait une commission chargée des études relatives à l’établissement d’un port militaire à Tarente, à l’extrémité méridionale de la péninsule, au fond du golfe de ce nom.

Le port de la Spezzia est une création toute récente : il y a vingt ans, il n’en existait rien; mais le projet est d’une date plus ancienne, il remonte au premier empire. Après le traité de Paris de 1856, qui avait ouvert au petit royaume de Sardaigne l’entrée aux grandes affaires de l’Europe, ce projet fut repris et complété, et le comte de Cavour ne craignit pas d’y engager les finances de son pays. Certes l’entreprise était hardie et dépassait de beaucoup les forces comme les besoins d’un petit état; mais le futur fondateur de l’unité italienne aspirait à de grandes choses, et il entendait y préluder par de grandes œuvres. Aussi c’était bien moins pour le royaume de Sardaigne que pour le royaume d’Italie qu’il osait dès lors jeter à la Spezzia les bases d’un puissant édifice naval. L’Italie d’ailleurs ne s’y trompait pas, elle devinait la pensée de son grand ministre, et, se faisant complice de ses grands desseins, elle y applaudissait du même cœur à Milan, à Florence et à Naples qu’à Turin et à Gênes. L’œuvre commencée par Cavour touche aujourd’hui à son terme, et des trois assises sur lesquelles repose l’édifice qu’il a élevé, la Spezzia est dès à présent la plus solide et restera la plus importante; c’est le grand arsenal maritime de l’Italie. Il