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pas toujours au dépérissement, à la mort même, sous l’étreinte du phylloxéra. En tout cas, ce n’est pas sa nature sauvage qui la protégerait, car des boutures de lambrusque mises en pépinière en 1872 et plantées en 1873 dans une vigne de Carignane, ont péri avant 1876, en même temps que ces derniers plants. L’expérience a été faite par M. Reich, dans un terrain très fertile de la Camargue, où les lambrusques, qui grimpent très haut sur les arbres, se maintiennent souvent vigoureuses, bien que leurs racines soient plus garnies de nodosités phylloxériques que ne le sont les racines des plants cultivés. Cette résistance me semble due principalement à l’espacement des pieds de lambrusque, car on sait que tout pied de vigne isolé brave bien mieux le parasite que les pieds plantés en rangs serrés.

Pour ce qui est des vignes en treille, deux faits peuvent rendre compte de leur résistance relative : d’une part, l’isolement qui leur donne le plus souvent une source abondante de nourriture; d’autre part, le tassement fréquent du sol, lorsque ces treilles sont plantées dans une cour et même dans un jardin. Dans ce dernier cas, on suppose que la voie est presque fermée à l’entrée de l’insecte sur les racines, ou tout au moins que cette intrusion du dehors en dedans du sol lui est rendue plus difficile que dans les terres souvent remuées. De là l’idée qu’on pourrait protéger, au moins quelque temps, les vignobles ordinaires en en tassant le sol par des moyens mécaniques, et prévenant de cette façon le fendillement de la terre, dont les fissures seraient les grandes voies ouvertes à l’ennemi du dehors. Ce système du tassement ou durcissement du sol comme moyen préventif de l’infection a été très nettement exposé par M. Eug. Du Mesnil. En y joignant la plantation en rangs espacés, la conduite de la vigne en treilles basses et traînantes, l’emploi d’engrais énergiques et les cultures exclusivement hivernales, M. Henri Mares pense arriver au but final qu’il se propose, de faire donner aux vignes du midi, même atteintes du phylloxéra, des récoltes assez abondantes pour rester rémunératrices. Il serait prématuré de vouloir juger un système mixte dans lequel tant d’élémens se combinent, et sur lequel l’expérience n’a pas dit encore son dernier mot. M. Henri Mares en restreint du reste l’application à ses terres les plus fertiles. Il connaît trop les difficultés du problème pour le supposer résolu par un ou deux ans d’essais plus ou moins heureux. Attendons nous-même à cet égard les conclusions ultérieures de l’éminent viticulteur. En pareil cas, la patience et la réserve sont une des formes de la justice.

C’est dans un ordre d’idées analogue au précédent que la non-culture et le gazonnement du sol sont recommandés par M. J. François,