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de vingt-cinq ceps, les ceps témoins laissés en bordure aux prises avec l’ennemi sont une source permanente d’infection pour les ceps traités. Sur de grandes surfaces au contraire, l’action insecticide étant générale, l’ennemi, très fortement décimé partout, n’a pas en quelque sorte ses quartiers de refuge et de renouvellement. On réalise en ce cas le problème de vivre avec lui, faute de pouvoir l’anéantir; mais la condition même de ce triomphe si précaire, c’est d’avoir pris le mal au début (en 1873), alors que les taches révélatrices étaient à peine dessinées; à des f)hases plus avancées, la lutte aurait coûté davantage sans donner d’aussi bons résultats. Ajoutons enfin que ce succès relatif n’a pu se produire que dans un sol d’une exceptionnelle fécondité. Dans les sols de fertilité moyenne, on n’aurait pu se défendre, même à grands frais, si longtemps de suite. Aussi M. Gaston Bazille, qui, dans le fonds très riche de Lattes, au moyen d’engrais et d’insecticides, soutient vaillamment ses vignes au milieu du désastre de ses voisins, s’est vu déborder par l’ennemi dans ses vignes des coteaux secs et caillouteux. En somme, ici comme toujours, la question de traitement, posée d’abord sur le terrain de la possibilité théorique, devient bien vite et par la force des choses une question de doit et avoir, de balance entre les dépenses et les revenus. Défavorable sur un point, cette balance peut être sur d’autres en faveur du propriétaire : c’est un problème de comptabilité que chacun doit résoudre avec les données variables de la valeur vénale du vin, ou de la fertilité du sol, ou des conditions particulières à chaque vignoble. La science peut découvrir des procédés, la pratique seule doit en déterminer l’application.


IV. — LES MŒURS DU PHYLLOXÉRA. — L’INTRODUCTION DES VIGNES AMÉRICAINES.

Nous n’insisterons pas davantage sur cet inépuisable chapitre des engrais insecticides. Une autre étude réclame notre attention et va la porter sur des sujets d’ordre biologique, c’est-à-dire où la connaissance des mœurs du phylloxéra peut devenir le point de départ de moyens rationnels de le détruire. Grâce aux ingénieux travaux de MM. Balbiani, Boiteau, J. Lichtenstein, Victor Fatio, Marion, cette étude a fait en deux ans de très-remarquables progrès. Nous n’en marquerons ici que les faits saillans, et nous en discuterons avec calme les côtés controversés, persuadés que, dans ce domaine de la science, la bonne foi domine et justifie des divergences d’opinion entre lesquelles le temps fera comme toujours son triage impartial.

La forme la plus répandue du phylloxéra est celle qui, privée d’ailes, vit souterrainement sur les racines et s’y multiplie par