Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

agent solaire, Apis comme victime incarnée dans un corps terrestre. — Dans son beau mémoire sur la mère d’Apis, M. Mariette a prouvé quelle précision les Égyptiens avaient donnée au dogme de l’incarnation, que nous trouvons à l’origine du culte des Apis. — Plus tard, l’être unique engendre des éons successifs, émanations de la substance après avoir été de simples attributs. En même temps la personnification solaire du créateur prend une importance prépondérante, due aux conditions particulières de la vallée du Nil. La présence perpétuelle, le retour régulier dans ce ciel de l’astre source de toute lumière, de toute chaleur, de tout bienfait, sa lutte quotidienne avec les ténèbres et les terreurs nocturnes, origine du mythe d’Osiris et de Typhon, amènent la pensée religieuse à cette conception dualiste qui personnifie en lui tout bien et tout mal en son adversaire : conception morale inspirée par le cours constant de la nature.

Les passages qui ont trait à la cosmogonie sont trop obscurs pour qu’on puisse décider nettement si la matière est une émanation de la substance divine ou une création. La première de ces doctrines a prévalu plus tard ; mais les textes du chapitre xvii indiquent plutôt un rapport de causalité. Toujours est-il qu’au point de vue scientifique on ne saurait trop remarquer ces passages des hymnes et du Rituel qui contiennent la formule, inconsciente peut-être, de la grande loi de la création : la transformation de la lumière et de la chaleur en force.

L’immortalité de l’âme est ce qui ressort le plus clairement de la doctrine égyptienne. Prise à l’origine et avant les mythes subtils qui la défigureront plus tard, cette doctrine nous présente le « voyage aux terres divines » comme une série d’épreuves au sortir desquelles s’opère l’ascension dans la lumière, la « manifestation au jour, » et la réunion de la parcelle errante à la substance éternelle. — Ces graves sujets voudraient une étude approfondie : je n’ai pu ici qu’en indiquer les lignes saillantes et faire pressentir quelles clartés dorment encore dans la poudre des papyrus. Pour n’être pas taxé de trop d’indulgence, j’appuierai mes opinions sur ce jugement d’E. de Rougé, l’esprit sagace qui a le plus sûrement pénétré ces matières : « L’unité d’un Être suprême existant par lui-même, son éternité, sa toute-puissance et la génération éternelle en Dieu, — la création du monde et de tous les êtres vivans attribuée à ce Dieu suprême, — l’immortalité de l’âme, complétée par le dogme des peines et des récompenses, tel est le fonds sublime et persistant qui, malgré toutes les déviations et les broderies mythologiques, doit assurer aux croyances des anciens Égyptiens un rang très honorable parmi les religions de l’antiquité. » — Et comme on