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une curieuse étude de reconstituer la faune de l’ancien empire, avant l’acclimatation des bêtes de somme asiatiques, avec ces centaines d’animaux figurés sur les bas-reliefs dont la scrupuleuse ressemblance ne laisse jamais place au doute. Les auxiliaires actuels les plus indispensables de la vie domestique et agricole sont encore inconnus aux colons memphites sous les Ve et VIe dynasties : le chameau, le cheval, la brebis, le porc, la poule leur manquent; il n’y a pas un seul type de ces espèces dans les scènes nombreuses où ils ont retracé à satiété tous les travaux de leur vie quotidienne, tout le monde où ils vivaient. En revanche, l’âne, l’animal aujourd’hui encore le plus répandu et le plus utile en Égypte, les bœufs de diverses espèces, les chèvres, les chiens, d’innombrables variétés de volatiles aquatiques, oies, canards, ibis, flamands, demoiselles de Numidie, hérons domestiqués, le pigeon, le moineau, et, parmi les fauves, le lion, le chacal, le guépard, l’antilope à cornes lyrées, la gazelle, l’ichneumon, le lièvre, sont reproduits à profusion. L’hippopotame, le crocodile, toutes les familles des poissons qu’on retrouve aujourd’hui dans les eaux du Delta, sont figurés avec la précision de détails d’une planche de zoologie. Il faut remarquer à ce propos, et sans vouloir préjuger en rien une question dont les données supposent un laps de temps bien autrement considérable, que cette période de six mille ans ne fournit pas un argument aux partisans de l’évolution des espèces; aucun des types si fidèlement représentés à Saqqarah n’a varié depuis lors en Égypte, pas même les reptiles et les insectes, car il s’en trouve dans ces tableaux, pas même les types embryonnaires tels que le têtard, que nous y avons rencontré sous sa forme actuelle.

C’est donc là un monde humain et animal vraiment autochthone, sans élémens étrangers. Séparé par les déserts des autres régions, il ne s’étend que vers le sud, comme le prouvent les singes, les sloughis (grands lévriers d’Abyssinie), amenés captifs par les esclaves, et parfois des types d’hommes qui semblent appartenir aux races actuelles du haut Nil ou de l’Afrique centrale, entre autres des nains qui pourraient bien être ces Akkas dont la découverte récente a fait tant de bruit. Des espèces aujourd’hui remontées beaucoup plus haut, le crocodile, l’hippopotame, infestent le pays. Des scènes de chasse et de pêche nous montrent les populations détruisant ces monstres dans le Delta, où les eaux et les marécages paraissent tenir une plus large place que de nos jours. Toute cette faune, fille du Nil, a une physionomie surtout aquatique.

Ainsi isolé du monde et gardé par ses barrières de sable, l’ancien empire n’est pas militaire. Les tableaux de bataille, les scènes de triomphe qui couvriront plus tard les murs de Thèbes font totalement