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faisant feu des deux bords : c’était un premier essai d’une manœuvre que la même main devait renouveler avec plus de succès contre les Italiens à Lissa. Contre les Danois, cette hardiesse ne fut pas heureuse. Un moment étourdie par l’imprévu de cette attaque, l’escadre du Danemark se remit promptement de sa surprise. Elle était composée de trois navires : le Jutland de 44 canons, le Heimdal de 16 bouches à feu, et le Niels-Juel de 44 canons. Celui-ci, inférieur en force, accepta néanmoins la lutte avec le Schwartzemberg. Dès les premières bordées, un boulet frappa en pleine poitrine le commandant en second de ce dernier bâtiment. D’autres désastres suivirent ce malheureux début. Deux obus renversèrent à bord du Schwartzemberg un des gros canons, tuant et blessant du même coup 14 hommes sur les 16 servans. Bientôt après, un nouvel obus se logea dans une voile, bien qu’elle fût serrée comme les autres. En éclatant, il incendia le gréement du mât de misaine, et le mât même fut atteint par le feu. Cet événement mit en péril le navire, car les flammes, poussées par le vent, pouvaient être communiquées au reste de la mâture et se propager à l’intérieur du bâtiment. Il fallut manœuvrer de manière à les diriger à l’avant. Cette obligation entrava les efforts du Schwartzemberg, déjà réduit à l’état de défense. L’incendie n’était pas éteint lorsqu’un troisième obus, pénétrant à l’intérieur, éclata tout près de la soute aux poudres. On parvint à dominer le feu, mais en ce moment le mât de beaupré fut emporté par un boulet. Le navire éclopé n’avait plus qu’à se retirer. C’est ce qu’il fit, poursuivi par le Niels-Juel jusqu’à la limite où les lois internationales défendaient aux deux adversaires de combattre. Durant la lutte, le second navire autrichien, Radetzky, de 34 canons, monté par 310 hommes, avait vaillamment supporté sa part du péril. Il suivit son chef dans sa retraite, le couvrit, le protégea contre la poursuite et ne cessa le combat qu’à son arrivée dans les eaux territoriales de l’île anglaise. Quand les navires autrichiens purent se reconnaître, on vit que le Schwartzemberg avait éprouvé de très graves avaries. En pleine mer, il fût probablement tombé entre les mains de l’ennemi. Il ressemblait, disait un des officiers de l’escadre, plutôt à une carcasse naufragée qu’à un navire; 125 hommes avaient été tués et blessés à bord. Le Radetzky, moins maltraité, avait reçu dans sa coque une trentaine de projectiles; 36 hommes de son équipage avaient été frappés et, au nombre, 1 officiel atteint par un boulet. Le combat, qui avait duré deux heures, fut très honorable pour tout le monde, mais la supériorité resta aux Danois, qui montrèrent autant de courage et plus d’habileté. Quelle attitude avaient prise les navires prussiens dans ce conflit? Ce n’étaient, il est vrai, que des canonnières. Mais sans doute la portée de leurs gros canons fut mal