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un certain nombre de bâtimens devenus d’ailleurs inutiles. Le budget de 1871 indiquait 117 navires en état d’être armés, ainsi divisés : 1° navires pour la défense du pays, savoir : service des côtes, passes, rades et fleuves; service spécial des passes intérieures; 2° navires pour le service général, y compris les gardes-côtes ; 3° navires de la marine militaire dans les Indes et les colonies. Ce matériel, ainsi classé logiquement selon les besoins, portait près de 1,200 pièces de canon et présentait une force totale à vapeur de plus de 14,000 chevaux. Les équipages embarqués comprenaient environ 11,000 hommes.

La marine militaire de la Hollande, au moment où nous écrivons, présente un effectif de dix-huit bâtimens cuirassés, savoir : 2 à deux tourelles et bélier, 4 à une tourelle avec bélier, 12 monitors à éperon. Dans cette énumération n’est pas comprise la marine du gouvernement des Indes, c’est-à-dire la flottille affectée au service des colonies. Le budget total de la marine néerlandaise pour 1876 s’est élevé à 35 millions.

On le voit, ce sont mêmes craintes, mêmes précautions dans les pays les plus exposés à l’annexion, par cela seul qu’ils sont à la convenance et à proximité du plus fort. Dans la nouvelle Europe, et d’après les principes politiques dont la Prusse a récemment posé les bases, tous les faibles se sentent menacés. Il n’y a plus de sécurité pour eux. Danemark, Suède et Hollande se barricadent sur leur territoire, redoublent de barreaux et de serrures contre des convoitises de grands chemins. La Prusse a la responsabilité de ce trouble profond. Elle a mis ses armes à la poursuite des intérêts les moins nobles; elle a dépouillé ses voisins sans excuse et sans autre but que son propre agrandissement. Ni les intérêts légitimes des monarchies, ni les liens de famille, ni les droits sacrés des peuples, ne l’ont arrêtée dans sa carrière d’annexions; elle a fait des guerres sans lois, sous les prétextes les plus vains et les plus hypocrites, fusillant ceux qui défendaient leur foyer; elle a affaibli le culte de ce qu’il y a de plus généreux et de plus respectable, et notamment de l’esprit de patriotisme; elle a promené en Europe et sanctionné par la force le scepticisme et la politique machiavélique de Frédéric II. Elle a assumé une grande responsabilité devant l’histoire, la plus grande de toutes, celle qui résulte de la corruption des âmes produite par le triomphe de l’injustice.


PAUL MEREUAU.