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ce que notre ancien droit public, dans ce qu’il a de plus rationnel et de plus sage, a emprunté aux vœux et aux doléances des trois ordres; mais on pourrait lui demander en même temps s’il ne s’est pas trop vivement enthousiasmé du tiers-état. Il ne faut pas s’y tromper, quoiqu’il ait fait la révolution, le tiers-état n’était, à le bien prendre, qu’une aristocratie en sous-ordre: après s’être organisé contre la féodalité par les communes, il avait fini par se constituer féodalement; il avait fait de la liberté un monopole héréditaire, du travail le droit de quelques familles, et de ses privilèges, qui étaient aussi nombreux que ceux de la noblesse, comme Henri IV lui-même l’a constaté à propos des exemptions d’impôts, une propriété patrimoniale qu’il défendait avec autant d’ardeur que la noblesse défendait les siens. On pourrait reprocher à M. Coquille, dont on ne saurait du reste contester le talent, d’avoir trempé sa plume dans la sainte ampoule, — à M. Taine, de s’être arrêté avec trop de complaisance aux scandales du XVIIIe siècle, d’avoir prodigué l’anecdote et cherché trop exclusivement dans le pouvoir absolu la source des abus contre lesquels il proteste avec tant de verve et de raison. Ces abus tenaient à l’ensemble de l’organisation sociale et politique; ils avaient pour complice la nation tout entière, et M. Taine a l’esprit trop ouvert et trop juste pour ne pas reconnaître cette vérité, s’il veut bien appliquer aux bas siècles du moyen âge la pénétrante sagacité de sa critique.

Aux monographies générales qui traitent dans leur ensemble de quelques-unes des branches de notre histoire, soit à toutes les époques, soit aux époques les plus marquantes, sont venues s’ajouter une foule de monographies sur des sujets particuliers enfermés dans un seul règne. Cette série de faits divers est fort riche encore : les rois, les reines et les favorites y tiennent le premier rang; le directeur des archives de la maison impériale d’Autriche et M. Geffroy ont mis au jour la correspondance secrète de Marie-Thérèse et du comte de Mercy-Argenteau. Louis XVI, Marie-Antoinette, Mme Elisabeth, sont étudiés par MM. de Larocheterie, de Beauchesne, de Lescure. M. Edmée reprend en sous-œuvre l’interminable histoire de l’évasion du dauphin Louis XVII. Lazare de Vaux, bijoutier de Louis XV, nous renseigne sur les dépenses de la cour et sur cet art du XVIIIe siècle qui nous a laissé de si jolies bonbonnières, de si jolis boutons de manchettes, de si galantes tabatières aux fines miniatures où roucoulent des bergers et des tourterelles. Les notes du lieutenant des chasses de Versailles complètent les révélations peu édifiantes de Mme du Hausset, qui occupait auprès de Mme de Pompadour la dignité de femme de chambre, car Mme d’Étioles, devenue marquise par un double adultère, avait aussi ses grands officiers de la couronne. Une curieuse étude de M. le docteur Corlieu sur la mort