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les ont rédigés, ils n’ont jamais existé, et l’on peut mettre le ban et l’arrière-ban des paléographes au défi de produire une seule charte où cette formule soit énoncée.

On a aussi invoqué comme une preuve d’ignorance les croix tracées au bas des titres des XIe et XIIe siècles, et l’absence de signatures dans ceux du XIIIe mais cette prétendue preuve tombe devant les indications positives de la diplomatique. C’était non point par des noms écrits, mais par des croix et des sceaux que l’on authentiquait les actes; les premiers capétiens eux-mêmes n’avaient pas une autre manière de donner un caractère légal à leurs lettres et ordonnances, et les plus anciennes signatures royales ne remontent pas au-delà de Charles V. L’enseignement public était très florissant au moyen âge, dans des limites assez étroites sans doute, car il ne pouvait pas aller au-delà de la science de l’époque, mais il répondait à tous les besoins de la société du temps. La guerre de cent ans et les guerres de religion lui portèrent un coup fatal, et ce fut au moment même où la littérature allait atteindre son plus splendide épanouissement que la moyenne de l’instruction générale s’abaissa à tel point qu’au moment de la rédaction des dernières coutumes on trouvait à peine, sur des populations de 2,000 ou 3,000 âmes, une dizaine d’individus capables de signer de leur nom les minutes des procès-verbaux. Les états-généraux de 1614 réclamèrent contre ce déplorable état de choses. La noblesse fut la première à s’alarmer de l’ignorance de ses tenanciers, et, devançant de plus de deux siècles la loi de 1833, les candidats à la députation et la ligue de l’enseignement, elle demanda qu’un traitement fixe fût fait aux instituteurs et l’instruction rendue obligatoire.

Un seul exemple, celui que nous venons de donner, montre quelle source inépuisable de renseignemens offrent les travaux de nos départemens. Ce serait rendre le plus grand service que d’en dresser le tableau méthodique, comme l’a fait M. de Rozière pour les Mémoires de l’Académie des Inscriptions. Il y a juste un siècle que la dernière édition de la Bibliothèque historique du père Lelong a été publiée, et nous ne connaissons pas, pour la pratique des études qui nous occupent ici, d’œuvre plus utile qu’un répertoire bibliographique qui compléterait le père Lelong et permettrait d’embrasser d’un coup d’œil tout ce que nos provinces ont produit depuis cent ans sur leur propre histoire.


IV.

On l’a vu par les pages qui précèdent, nous assistons à un grand mouvement de travail et d’idées. La science historique française n’a pas été vaincue. Elle s’est fortifiée tout en se vulgarisant ; elle est