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latéral du Rhône n’augmenterait-il pas au contraire le trafic de moyenne et grande vitesse par le développement qu’il apporterait aux diverses industries de la vallée du fleuve, et par suite au mouvement des voyageurs ? M. Krantz calcule que le trafic de ce canal pourra monter rapidement à 1 million de tonnes, et ce chiffre n’a paru exagéré à personne ; on atteindra même 2 millions et plus, si l’on relie efficacement, par une voie de navigation intérieure continue, Marseille à Paris et au Havre. Il serait temps que tous ces travaux se fissent; devant le Havre se dresse Anvers, dont le commerce augmente de plus en plus, a même triplé en dix ans, tandis que le Havre reste stationnaire. En veut-on une preuve décisive? De 1865 à 1875, le tonnage du port d’Anvers, à l’entrée et à la sortie, est passé de 1,500,000 tonneaux à 4,200, 000, tandis que le Havre est demeuré immobile autour de 2 millions de tonneaux. Marseille même n’a augmenté son tonnage, dans l’intervalle de ces dix ans, que de 25 pour 100, passant de 4 millions de tonneaux à 5 millions. Elle sera bientôt atteinte et dépassée elle-même par Anvers, si des mesures énergiques comme celles que nous indiquons ne sont pas prises sans délai. Marseille d’ailleurs est à son tour non moins sérieusement menacée par Brindisi, Gênes, Venise, Trieste. Elle regagnerait, par un canal partant de ses bassins, et que réclament vivement sa chambre de commerce et tous les conseils électifs des Bouches-du-Rhône, une grande partie du transit de l’Europe occidentale, qui, depuis quelques années, semble devoir lui échapper, et lui échappera encore davantage quand le massif du Saint-Gothard sera complètement ouvert.

Par Trieste et Gênes, les Italiens et surtout les Allemands détourneront à leur profit une partie du commerce de la Méditerranée, qui est encore aujourd’hui dans nos mains. Nos voies ferrées ne pourront lutter contre les leurs, à cause de la plus grande distance que les marchandises auront à y parcourir et des tarifs kilométriques plus élevés qu’elles auront à supporter. On peut parer au second de ces inconvéniens, non pas au premier. Nos voies navigables intérieures, améliorées et enfin complétées, rétabliraient seules l’équilibre, si nous possédions surtout la voie du Havre à Marseille telle que tous les intéressés la demandent, avec une navigation continue, sans transbordement, puis deux autres voies divergentes plus convenablement établies que celles qui existent, celles du Havre et de Lyon au Rhin. Déjà on travaille à cette dernière sous le nom de Canal de l’Est. Nous entrerions ainsi en possession de trafics considérables que nul ne pourrait plus nous disputer, qui deviendraient pour notre commerce intérieur et extérieur une source féconde de bénéfices, et de nouveau porteraient le renom