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nouvelle de 1789 fut appelée à constituer, en quelque sorte, sa législation commerciale. A l’aide de ces études, qui s’accordent quant à la défense des principes libéraux, il est possible de suivre avec fruit les phases diverses de notre régime économique, et de rechercher dans l’histoire du passé les enseignemens les plus utiles pour les décisions que réclame l’heure présente.


I.

L’impôt des douanes remonte aux temps les plus anciens. Les législations de la Grèce et de Rome le transmirent au moyen âge, où il se rencontrait à toutes les frontières des petits états que multipliait le régime féodal. Ce droit de péage et de circulation, appliqué à la plupart des produits, était alors considéré comme l’une des meilleures ressources financières, et il fut maintenu pendant plusieurs siècles dans toute sa rigueur. Il survécut même aux transformations politiques et territoriales qui constituèrent peu à peu les grands états avec les débris de la féodalité. Ainsi, jusqu’à la révolution, la France demeura sillonnée à l’intérieur par de nombreuses lignes de douanes qui séparaient ses provinces.

On attribue communément à Colbert la pensée d’appliquer le tarif des douanes à la protection de l’industrie nationale. Le ministre de Louis XIV ne mérite ni cet éloge ni ce reproche. Bien avant lui, en France et dans d’autres pays, les gouvernemens avaient songé soit à restreindre l’importation des produits qui pouvaient faire concurrence aux produits indigènes, soit à prohiber la sortie des matières brutes qui auraient été enlevées au travail national pour approvisionner les industries étrangères. M. Amé cite de nombreux exemples empruntés à la législation de l’Angleterre, de l’Espagne, de la république de Venise et aux anciennes lois françaises. Ce n’était point là précisément l’application du régime de protection, tel qu’il a été combiné et pratiqué systématiquement à des dates plus récentes. On agissait par voie d’expédient, selon les besoins d’une région ou d’une industrie, quelquefois à titre de représailles contre un pays étranger avec lequel on était en guerre; le plus souvent on n’avait en vue que l’intérêt fiscal. Par exemple, le roi Philippe le Bel, qui a laissé la réputation d’un trop habile financier, vendait aux ouvriers en laine, moyennant un impôt sur le drap, l’interdiction d’exporter la matière première; puis, bientôt après, il concédait aux Flamands, moyennant finances, des permissions exceptionnelles de sortie pour la laine. Telle était, en matière de douane, l’économie politique de ce temps-là. Il faut également tenir compte de l’influence qu’exerçait sur cette partie de la législation le régime corporatif auquel étaient soumises les principales branches d’industrie.