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elle qui empêcha l’union douanière projetée avec la Belgique, au moment où la Prusse, par le développement du Zollverein, préparait l’unité et la grandeur future de l’Allemagne. Ce fut elle encore qui vint entraver à diverses reprises les négociations commencées avec l’Angleterre pour la conclusion d’un traité de commerce : le traité eût apaisé d’anciens ressentimens et maintenu l’entente cordiale dont la rupture devait être si funeste pour la dynastie et pour la France. La coalition était assez forte pour faire la loi aux ministres, pour dominer le terrain parlementaire et pour créer des questions de cabinet. Plus d’une fois, le gouvernement et le roi lui-même furent tenus en échec par les sommations ou les vetos des protectionistes. Il fallut, pour ne point s’aliéner dans les chambres les voix de ce parti, consentir au retrait ou à l’ajournement des propositions que l’administration jugeait le plus utiles. L’opinion publique ne s’associait cependant pas à toutes ces exigences; elle commençait à s’émouvoir des réformes commerciales que l’Angleterre avait inaugurées en 1842. La presse vantait ces réformes et les recommandait à l’attention de nos législateurs; la doctrine de la liberté des échanges était éloquemment soutenue dans les chaires officielles, elle était accueillie et applaudie au Conservatoire des arts et métiers comme au Collège de France. Le gouvernement pouvait donc à la fin tenter une démonstration décisive dans le sens des idées libérales. Il l’essaya en 1847 par la présentation d’un projet de loi qui modifiait le tarif d’un grand nombre d’articles; mais il devait retrouver dans les chambres l’opposition ardente des industriels, et il aurait eu probablement à soutenir une vigoureuse lutte parlementaire, si la révolution de 1848 n’était survenue, emportant le projet de loi et le reste. En résumé, dit M. Amé en terminant l’historique des débats relatifs aux lois de douanes de 1830 à 1848, « le gouvernement du roi Louis-Philippe, après avoir essayé d’abaisser nos barrières de douanes, avait dû s’arrêter devant l’opposition des chambres. Il s’était même laissé entraîner à des mesures restrictives évidemment contraires à ses convictions, et, comme la restauration, il tombait au moment où l’opinion venait le pousser de nouveau dans la voie des réformes. »

On ne pouvait attendre de la révolution de 1848 qu’elle s’appliquât utilement à la révision des tarifs. De 1848 à 1851, les préoccupations politiques furent trop vives pour laisser place aux études économiques. Les idées libérales en matière d’échanges ne devaient point d’ailleurs trouver d’auxiliaires parmi les vainqueurs de février. Ceux-ci, plus ou moins dominés par les doctrines des sectes socialistes, prétendaient au contraire organiser le travail en dehors des lois de la concurrence, et, d’accord avec les prohibitionistes, ils affirmaient que l’intérêt des ouvriers français était incompatible