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avec l’admission des produits étrangers. En outre, la crise commerciale et industrielle qui avait suivi la révolution fournissait un argument aux adversaires de toute réforme. Aussi, lorsque les questions de douanes vinrent en discussion à l’assemblée nationale et à l’assemblée législative, soit à l’occasion de quelques remaniemens de taxes, soit pour l’examen de divers traités de navigation ou de commerce, les partisans de la prohibition purent-ils conserver facilement les positions qu’ils avaient conquises et repousser les rares assauts que l’on osa tenter. Une majorité de 428 voix contre 199 rejeta, le 28 juin 1851, la proposition Sainte-Beuve, qui mérite d’être mentionnée dans l’histoire de notre régime économique. Après un tel échec, la révision sérieuse des tarifs paraissait indéfiniment ajournée. Les élus du suffrage universel avaient, dans deux assemblées républicaines, à la suite de libres débats, consacré le système fondé par les élus du suffrage restreint!

La période écoulée de 1852 à 1860 nous montre l’empire aux prises avec les difficultés qui avaient arrêté les précédens régimes, et il n’est pas sans intérêt de relever la similitude complète des efforts et des résistances qui se produisirent successivement sous la restauration, sous la monarchie de juillet et pendant les premières années de l’empire, c’est-à-dire sous trois régimes politiques différens, toutes les fois que fut abordée au sein des assemblées représentatives la discussion des questions de douanes. Lorsque l’empire, voulant reprendre les anciens plans de réforme, présenta en 1856 un projet de loi portant retrait des prohibitions, ce fut dans le camp des industriels un toile général. Les industriels prétendaient avoir été les fondateurs de l’empire comme ils avaient prétendu être les fondateurs de la monarchie de juillet. Ils se posaient en défenseurs du travail national, de l’intérêt des ouvriers, du salaire. Ils menaçaient de retirer leur concours politique à un gouvernement qui livrerait le marché français aux produits étrangers. La crise devint si violente, même au corps législatif, que le ministère se vit obligé de retirer le projet de loi et d’annoncer que toute proposition relative à la levée des prohibitions serait ajournée jusqu’en 1861. Il semblait du moins naturel que l’on procédât à une enquête. C’était un moyen légitime et nécessaire d’éclairer la question. Les chefs de parti s’opposèrent résolùment à l’enquête, et celle-ci fut également ajournée. N’est-ce point la répétition de ce que nous avons vu sous la restauration, sous la monarchie de juillet? Projets de loi retirés ou retardés, enquêtes repoussées ou rendues inutiles ! Il ne restait plus qu’un expédient pour résoudre cette éternelle question : c’était l’expédient des traités de commerce. M. de Vergennes l’avait employé en 1786. Les gouvernemens de la restauration et de juillet n’avaient pu y avoir recours, la charte