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des lettres, l’université doit posséder des professeurs en assez grand nombre pour que toutes les parties essentielles puissent être simultanément enseignées. Je prends comme exemple l’étudiant en lettres : ce sera peu pour lui de trouver un cours de grec, un cours de latin, un cours d’histoire. Le champ de ces études est si vaste que, si le professeur essaie de le parcourir en entier, il ne fera guère qu’en effleurer la surface, et s’il en détache une certaine portion, le reste sera non avenu pour ses auditeurs. Dans l’état où est notre enseignement supérieur, cet inconvénient frappe peu les yeux, parce que le professeur de littérature ou d’histoire a devant lui un auditoire peu exigeant sur le choix du sujet, qui accepte sans difficulté celui qu’on lui impose, et qui, s’il en désire un autre, a la patience d’attendre que son tour arrive; mais il n’en sera pas de même avec des jeunes gens dont les besoins d’instruction sont sérieux et dont le temps d’étude est limité. Encore supposons-nous le professeur en pleine activité de l’âge et du talent. Notre organisation actuelle n’a point prévu le cas où un maître ne serait point ou aurait cessé d’être à la hauteur de sa lâche; nous citerons sur ce sujet les justes paroles de M. Schützenberger : « Quand un des professeurs titulaires avance en âge, quand la fatigue ne lui permet plus des études assidues, il cesse d’être au courant de la science. Le professeur, ainsi en retard, devient un obstacle; la science spéciale dont il est le représentant et l’organe au sein de la faculté fait halte pour ainsi dire, et l’arrêt de développement d’un professeur titulaire frappe du même coup l’enseignement lui-même. Or il peut arriver, il est arrivé que plusieurs, voire la majorité des professeurs d’une faculté, restent simultanément stationnaires... Dès lors la décadence de l’institution elle-même est imminente; elle est certaine, si, par une intervention vigoureuse, mais difficile, le ministre ne fait admettre d’office à la retraite ceux qui peuvent y avoir des droits[1]; mais les professeurs moins âgés qui ont réussi à obtenir des chaires sans avoir le feu sacré du progrès scientifique, qu’en fera le ministre ? »

Il est donc nécessaire qu’à côté du cours principal fait par le professeur titulaire il y ait un ou plusieurs cours accessoires faits par des maîtres de conférence, qui seront rétribués par l’état et qui s’entendront avec le professeur pour qu’aucune portion importante de l’enseignement ne reste en souffrance. Si le professeur veut se réserver les vues d’ensemble, les maîtres de conférence se chargeront d’approfondir quelques parties difficiles et importantes du cours. Si le professeur aime mieux se renfermer dans un sujet restreint qui lui

  1. Il y a trois ans, un vote de l’assemblée nationale a retiré ce pouvoir au gouvernement.