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certaine défiance et qu’il rencontrerait des difficultés dans les règlemens. Grâce à ce système, qui est aujourd’hui sous la protection de la tradition, le nouveau venu que recommandent ses connaissances et ses talens est exactement, vis-à-vis du public des étudians, sur le même pied que le professeur en titre. Rien ne s’oppose à ce qu’il groupe autour de sa chaire les auditeurs, puisque son cours s’offre avec les mêmes avantages et dans les mêmes conditions, et puisqu’il compte pour l’examen final aussi bien que celui des plus anciens professeurs de l’université.

C’est là cette Lehr und Lernfreiheit (liberté du maître et de l’étudiant) dont il est si souvent parlé. Je crois que sur ce point il serait prématuré d’imiter une organisation qui ne s’est établie chez nos voisins que peu à peu. Laissons d’abord les cours payans prendre racine à l’université: ils auront à lutter contre les cours publics ; mais mieux vaut des commencemens difficiles qu’une révolution qui choquerait les idées reçues et qui aurait contre elle la coalition des intérêts et des préjugés.

Il est à supposer que dans le principe la rétribution des cours ne produira que des sommes assez faibles. Si pourtant en de certaines spécialités, comme dans le droit et dans la médecine, quelques professeurs, par un succès plus qu’ordinaire, venaient à récolter des émolumens considérables, le devoir de l’état serait de protéger ces maîtres contre les motions, qui ne manqueraient pas d’être faites, de prélever une partie de ces sommes au nom de l’université ou de la faculté. De tels prélèvemens seraient la cause de récriminations sans fin, et ils auraient pour effet de couper le nerf de la concurrence. Ne voyons-nous pas aussi la vogue porter des avocats, des médecins, des écrivains, des artistes? Ne vaut-il pas mieux que ce mouvement se produise dans le sein de l’université, qui indirectement en reçoit l’impulsion et en garde le reflet? Sans doute on verra des inégalités. S’il est inadmissible que parmi un tel public il y ait des succès sans motif, on peut cependant prévoir que le cours le plus solide ou le plus original ne sera pas toujours le plus couru. Mais qui, parmi les collègues, oserait s’en faire juge? La lutte, avec ses chances et ses retours, contient en elle-même un correctif. D’ailleurs l’état, en témoin éclairé, réservera ses récompenses pour le mérite délaissé par la foule, comme il distingue l’éminent artiste qui ne songe ni aux commandes, ni aux succès de Salon.

Une question capitale est de savoir comment seront nommés les docteurs libres. Tous ceux qui désirent la réussite de cette institution tomberont d’accord qu’une trop grande facilité dans les choix serait le plus sûr moyen de la ruiner. M. Duruy, dans les dernières années de son ministère, avait fondé auprès de la Sorbonne ce