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la découverte nouvelle. Le clergé se déclara contre l’innovation ; les Franklin et leurs adhérens furent dénoncés comme libres penseurs, athées, inspirés du diable. La polémique américaine naissante s’affirmait par cette liberté de langage et d’injures qui la caractérise encore aujourd’hui et qui ne laisse pas de nous étonner par sa violence. Les Franklin répondirent avec la même vivacité, et James, l’éditeur en nom, fut, comme d’ordinaire, arrêté et mis en prison. C’était une solution, mais cela ne prouvait pas qu’il eût tort et que la vaccine fût une idée diabolique.

Cette première mésaventure fut suivie d’une autre. En juin 1722, un pirate fit son apparition en vue de Black Head. Le Courant gourmanda la lenteur des autorités à envoyer des vaisseaux. Le lendemain, James Franklin retournait à la prison de Boston, et un ordre en conseil lui interdisait à l’avenir de parler dans son journal de ce qui pouvait, de près ou de loin, concerner le gouvernement, l’administration, le clergé et les collèges. Il fallait bien de l’habileté pour continuer à publier un journal dans ces conditions ; mais ce n’était ni l’habileté, ni l’énergie qui manquaient aux Franklin. Benjamin n’était alors âgé que de seize ans, mais il y avait en lui l’étoffe d’un homme, et les difficultés, loin de les abattre, développent des natures comme la sienne.

Des mesures arbitraires prises contre des journaux aussi peu lus ne pouvaient provoquer un vif mouvement d’opinion publique, ni soulever des passions bien violentes. Il fallait, pour en arriver là, que le gouvernement fournît un autre aliment à l’irritation, et que la presse pût prendre en main une cause vraiment populaire. La maladresse des autorités anglaises lui fit beau jeu. Pour s’assurer le concours de l’église anglicane, on proposa de lui donner le rang de religion d’état. C’était s’aliéner les nombreux dissidens des colonies du nord. Les Franklin venaient de fonder la première fabrique de papier. Les autorités anglaises affirmèrent que les colonies ne pouvaient en aucune façon s’affranchir de l’importation de la mère patrie. Pitt lui-même, l’ami de l’Amérique, déclarait « que les colonies n’avaient pas le droit de fabriquer même un fer à cheval. » En 1750, interdiction de travailler le fer, défense de scier le bois et de le débiter en planches, de faire usage des cours d’eau comme force motrice, d’élever des fabriques ou manufactures. Les colons devaient se borner à la culture des terres et tirer d’Angleterre tout ce qui leur était nécessaire. Dans les colonies du sud, la canne ne pouvait être convertie en sucre ou en mélasses, le coton ne pouvait être travaillé. Les taxes enfin, votées par le parlement, où les colons n’étaient pas représentés, pesaient sur une population active, énergique, dont elles gênaient la production, et qui sentait sa