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anglaises et à la naissance de la grande république des États-Unis. Lorsque lord North reçut la nouvelle de la capitulation de l’armée commandée par Cornwallis, et de la reddition des armes et des drapeaux entre les mains de Washington et de Rochambeau, il s’écria : « Il me semble que j’ai reçu une balle dans la poitrine. Grand Dieu ! tout est perdu. » Il disait vrai. Il eût pu ajouter que cette balle, qui portait un coup si terrible à l’influence anglaise, avait été fondue dans un atelier d’imprimerie et qu’un fragment de journal avait servi de bourre.

La guerre était terminée ; la victoire complète. Les divergences de vues avaient disparu devant un danger commun, mais avec la paix elles allaient reparaître. Il ne s’agissait plus de combattre, il fallait organiser. Si l’on s’entendait sur le but, on n’était pas d’accord quant aux moyens. La presse et la population se scindèrent en deux grands partis politiques, représentés par deux hommes éminens : d’un côté les fédéralistes, dirigés par Alexander Hamilton ; de l’autre les démocrates, qui reconnaissaient comme chef Thomas Jefferson. Pendant la guerre, l’énergie populaire avait pu suppléer à la faiblesse du lien fédéral créé par les représentans réunis à Philadelphie, mais cette ébauche de constitution ne pouvait suffire à la situation nouvelle. Les journaux fédéralistes en réclamaient le maintien avec quelques légères modifications, ils se déclaraient partisans des droits des états, droits qu’il importait pourtant de limiter, si l’on voulait constituer une véritable Union. Leurs adversaires, faisant bon marché des droits des états, réclamaient une Union intime, absolue, seule garantie, disaient-ils, de force et de durée, sans laquelle la nationalité américaine succomberait infailliblement dans une nouvelle lutte avec l’Angleterre. On s’arrêta à un moyen terme, qui pour le moment suffisait aux nécessités de la situation et devait en effet assurer à la république de longues années d’une éclatante prospérité. C’est pourtant à l’origine et aux conditions de ce pacte fédéral que devaient en appeler les états du sud lors de la guerre de sécession. Comme toutes les constitutions, celle-ci portait en elle des germes de conflit et laissait la porte ouverte à des interprétations différentes.

Quelle était l’importance et quel était alors le nombre des journaux aux États-Unis ? Nous avons constaté qu’en 1704 il ne se publiait qu’un journal. Il paraissait une fois par semaine, et cela suffisait et au-delà aux besoins d’une population urbaine de 8,000 habitans. En 1725, 4 journaux représentent à eux quatre un tirage annuel de 170,000 exemplaires. La population est de 1 million. Au début de la guerre d’indépendance en 1775, la presse est représentée par 37 journaux. Leur tirage total annuel est de 1,200,000 exemplaires.