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aux États-Unis. C’est à l’aide de ces cartes que Bursell put tenir ses lecteurs au courant de la marche des armées françaises, et retracer les étonnantes campagnes d’Italie. Le modeste cadeau du duc d’Orléans fit la fortune de la Centinel qui avait, sur ses rivaux le précieux avantage de pouvoir préciser, là où, ils en étaient réduits aux conjectures. Burselli continua d’éditer la Centinel jusqu’en 1828. Il vendit son journal à Adams et Hudson, et se retira des affaires avec une fortune considérable pour l’époque.

Boston avait alors le privilège d’être la ville la plus peuplée et la plus intelligente des États-Unis. Il s’y publiait plusieurs journaux ; l’un des plus influens était le Chronicle, qui comptait parmi ses rédacteurs John Prentiss, qui vient de mourir âgé de plus de quatre-vingt-quatorze ans, et qui a joué dans le congrès un rôle important. Le Chronicle avait pour éditeur Benjamin Austin. Une de ces discussions si fréquentes entre journalistes américains surgit, en août 1805, entre lui et Selfridge, collaborateur du Boston Gazette, et se termina par l’assassinat en pleine rue et en plein jour du fils d’Austin, âgé de vingt et un ans, par Selfridge. Ce dernier en fut quitte pour quelques mois de prison.. Il y a soixante-dix ans que le revolver a pour la première fois joué son rôle dans le journalisme aux États-Unis ». Depuis il n’a cessé de figurer comme un des objets indispensables d’un cabinet de rédaction, et plus d’une fois cet argument a servie non à convaincre peut-être, mais à faire taire un adversaire. L’histoire de la presse aux États-Unis est pleine de faits pareils, et l’on ne saurait trop flétrir cette brutalité des mœurs politiques qui a envahi le congrès et l’a parfois transformé en une arène de combattans.

Si Boston jouissait d’une supériorité incontestée au point de vue intellectuel, d’autres villes grandissaient aussi. New-York, Salem, Providence, voyaient s’augmenter, avec le chiffre de leurs habitans, leur importance commerciale et politique. De nouveaux états obtenaient leur admission dans l’Union. Vermont en 1791, Kentucky en 1792, Tennessee en 1796, portaient à 16 le nombre des états. Alors, comme aujourd’hui, aussitôt, qu’un nouveau settlement se formait, on voyait s’élever le temple, l’école et le bureau du journal. Beaucoup de ces feuilles éphémères ne faisaient que paraître et disparaître, mais la semence était jetée, le germe devait lever plus tard. Nous avons vu, de nos jours, la presse faire plus encore et devancer la civilisation dans les vastes solitudes qui séparent de la Californie les états de l’ouest. Le Frontier Index, publié pendant la construction du grand chemin de fer du Pacifique, se déplaçait à mesure que les travaux avançaient, et précédait de quelques jours les rails et la locomotive. On peut ne voir là qu’un tour de force