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un extrait des prédications les plus importantes des églises de Rome, de Londres et de Paris.

Revenons maintenant à la presse politique. Nous l’avons laissée à l’apogée de son pouvoir et de son influence ; elle vient de les affirmer par une révolution dans les mœurs politiques, et, posant en principe que les emplois et les places de tout ordre appartiennent au parti victorieux, elle a passé de la théorie à la pratique, chassé les fédéralistes vaincus de l’administration et inauguré le règne des politicians. Du moment où le fait d’appartenir au parti qui triomphe donne un droit incontestable aux dépouilles, la vie politique devient une carrière comme une autre, et, plus que d’autres, de nature à tenter des esprits aussi aventureux que peu scrupuleux. L’influence, et partant le droit, se mesure au nombre d’électeurs que l’on peut entraîner. Un siège dans le cabinet revient à celui qui, dans une élection présidentielle, peut entraîner les suffrages d’un ou plusieurs états, et les subordonnés qui manipulent la matière électorale dans les villes et villages ont en perspective un emploi dans les douanes ou dans les bureaux de l’administration.

Les conditions nouvelles de la vie politique aux États-Unis devaient amener une révolution dans la presse. De 1820 à 1832, elle devient exclusivement l’organe des partis qui se disputent le pouvoir. Contrôlée, dominée par une poignée de politicians, elle menace de tomber, dans le discrédit. L’opinion publique, qu’elle cesse de représenter, s’éloigne d’elle et attend pour la diriger des hommes nouveaux et des organes plus indépendans.

D’un autre côté, les progrès rapides du commerce demandaient qu’une part plus large fût faite aux annonces, que le prix d’abonnement fût réduit, que des renseignemens plus précis sur les marchés étrangers fussent fournis. Les journaux inféodés aux partis n’avaient ni le temps ni les moyens de satisfaire à ces besoins nouveaux. Il fallait créer une pressé nouvelle, ce que l’on a appelé depuis la presse indépendante : elle date de 1832.

Un homme dont le nom est bien connu en Europe, le fondateur et le propriétaire du New-York Herald, J. Gordon Bennett, l’incarnation du journalisme aux États-Unis, est entré le premier dans la voie nouvelle. L’immense fortune qu’il a réalisée, l’éclatant succès de sa tentative hardie, prouvent la puissance d’une idée juste, saisie à temps et suivie avec persévérance. L’histoire de J. Gordon Bennett et du New-York Herald peut être considérée comme l’histoire du journalisme américain. En étudiant la carrière de cet homme remarquable, qui a refusé les fonctions d’ambassadeur pour rester journaliste, nous assisterons à la naissance, aux progrès et aux transformations de la presse moderne aux États-Unis, et nous