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Le monastère est construit entre quatre murs de pierre grossièrement crépis à la chaux, contre lesquels sont adossés tous les bâtimens intérieurs. Quelques fenêtres grillées, percées au nord, éclairent les chambres qui donnent sur la vallée. Un jardin bien cultivé, planté d’une infinité de rosiers et de jasmins rouges, s’étend devant la grande porte couronnée de pampres déjà verts et de vignes sauvages, et.se prolonge à l’ouest jusqu’à la terrasse, en face du couvent de femmes, Pépélénitza, dont on distingue sur le versant opposé, au milieu des arbres et des rochers, les différentes maisons. La porte à peine franchie, le spectacle change brusquement : l’horizon est fermé ; plus de verdure, à peine un coin du ciel au-dessus de nos têtes. Autour d’une cour, carré régulier dont le centre est une église, suspendues à des bâtimens élevés sans ordre, percés d’une infinité de petites portes et de fenêtres irrégulières, courent de longues galeries construites en bois blanc ou en vieux chêne finement sculpté ; les unes, au nord, n’ont qu’un étage et serpentent le long des murs en faisant une ligne presque droite, tandis que les autres, à l’est, en ont deux et jusqu’à trois, selon que les constructions sont plus ou moins élevées. Appliquées devant les portes de chacune des chambres, elles remplacent les escaliers qui font défaut à l’intérieur, et, suivant le caprice des architectes qui ont élevé chaque cellule sur un plan différent, elles montent, descendent, remontent, toujours reliées entre elles, pour permettre aux moines de sortir de chez eux et de communiquer les uns avec les autres. Ajoutez que toutes ces galeries ont été construites à différentes époques comme les logis dont elles dépendent, qu’il est à peine deux portes ou doux fenêtres qui se ressemblent, et que le rez-de-chaussée est formé d’énormes voûtes en pierre qui servent de greniers et de cave, vous vous représenterez à peine encore l’aspect du couvent de Taxiarque. Des robes noires ou bleues, des draps, des couvertures, des linges sales ou mouillés pendent aux balustrades des balcons et sèchent au soleil. Des moines ouvriers travaillent sur une galerie, tandis que d’autres se promènent gravement au-dessus d’eux sans rien faire. Devant un bâtiment neuf, au sud, un vieillard à la barbe blanche, couché dans un fauteuil d’osier, fume son chibouk et reçoit sur un plateau des confitures et du café. A chaque instant, une tête vieille ou jeune apparaît derrière une porte, regarde et se retire, ou bien des moinillons bleus regagnent sans rien dire leur chambre ou leur école et passent comme des ombres suivant en courant le labyrinthe des galeries.

Précédé des moines qui m’avaient fait à l’entrée les honneurs du couvent, je montai chez l’higoumène (supérieur). C’était le moine le plus riche de Taxiarque ; il venait de se faire bâtir au midi trois