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aux étrangers de distinction : mon frère l’higoumène l’habitait autrefois ; mais à présent qu’il est malade il ne l’a plus, continua-t-il avec un méchant sourire. — Nous ne faisions attention ni à ses paroles qui pourtant avaient un sens, ni à la chambre : le mur qui se trouvait sur la façade était pris tout entier par une large fenêtre vitrée ; chacun de nous, le corps penché en dehors, aspirait à pleins poumons le grand air, cette richesse du pauvre dont ne jouissaient même pas ces tristes moines. Quand il fut question de dîner, le dégoût que nous inspirait tout ce qui passait par la main des caloyers faillit nous faire attendre à jeun jusqu’au matin ; on nous apporta cependant des œufs durs et des cerises que nous hésitions à laver, tant l’eau qu’on nous présentait rappelait cette odeur fétide qui nous poursuivait partout.

Cependant il fallut descendre et passer de nouveau par l’escalier ; nous n’avions pas vu les caves ; c’est la partie du couvent dont les moines sont le plus fiers. Ils sont en effet les seuls habitans d’Achaïe qui tirent parti du vin qu’ils récoltent en le conservant sans y ajouter de résine ; quelques négocians de Patras ont imité cet exemple et s’en trouvent bien, mais la plupart des propriétaires restent encore attachés à l’ancien usage et diminuent des trois quarts la valeur de leurs vins pour ne pas vouloir construire de caves. Celles de Mégaspiléon sont spacieuses, profondes, bien aménagées ; le produit de chaque vendange est versé non plus dans des outres de peau de bouc, mais dans d’énormes tonneaux qui sont célèbres dans toute la Grèce, tant leur taille est invraisemblable : un seul de ces tonneaux, longs de 4 à 5 mètres, ne tiendrait dans aucune de nos caves. Le prohigoumène nous fit la gracieuseté de nous offrir de goûter son vin, qui était bon et très différent du breuvage noir qu’on sert dans la campagne grecque. Après quoi nous montâmes à la bibliothèque qui se trouvait près de la chapelle : les caloyers la croient pleine de trésors et de manuscrits inédits ; nous avions trop peu de temps à nous pour ne pas les croire sur parole.

Nous avions été frappés en visitant les souterrains où s’étendent les caves d’une inscription assez ancienne fixée sur la paroi d’un mur ; elle était très lisible et semblait rappeler une légende locale. Il y était surtout question d’une image de cire qui devait être conservée à jamais comme une sainte relique. Un des moines répondant à nos questions nous fit entrer de nouveau dans l’église et nous montra, soigneusement encadrée, une sorte de tablette tellement noircie, qu’on ne pouvait distinguer ni la composition ni le dessin qu’elle présentait à l’origine.

Vous avez pu voir dans les caves, nous dit notre compagnon, quand il nous eut ramenés à notre chambre, une source d’eau vive