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ministère anglais bat en retraite. Il n’accepte ce principe que contre la France, c’est-à-dire pour placer un Cobourg sur le trône des Bourbons, il le repousse si la France doit en profiter.

Serrons les choses de plus près encore. Il y a ici deux politiques qui se rencontrent en champ-clos, un peu au hasard et dans l’ombre : d’une part le système de Louis-Philippe, très nettement conçu, très hautement proclamé ; de l’autre le système équivoque hasardé secrètement par le prince Albert ou du moins par le baron de Stockmar. Le système de Louis-Philippe, on l’a vu plus haut : aucun des fils du roi des Français sur le trône d’Espagne, puisque ce serait compromettre l’amitié de la France et de l’Angleterre, mais en revanche aucun prince choisi pour roi d’Espagne en dehors des Bourbons descendans de Philippe V. Le système de Stockmar, nous le connaissons désormais, consiste à soutenir, très prudemment il est vrai, avec toute sorte de ménagemens et d’habiletés, une candidature cherchée non parmi les parens de Louis-Philippe, mais parmi les parens de la reine Victoria. Cobourg et Bourbon ! tels sont les adversaires aux prises en ce mystérieux conflit.


II

Le premier acte de l’imbroglio, dans le résumé que nous venons d’en faire, embrasse une période de trois ou quatre ans. Il commence vers 1840 et se prolonge jusqu’en 1843. Tout à coup, dans le courant de cette année, un événement grave vient changer la face des choses. Le général Espartero, qu’une révolution avait porté à la régence en 1838, est précipité du pouvoir par une révolution nouvelle. Tous les partis, toutes les forces l’ont frappé à la fois, les progressistes comme les modérés, l’armée comme les cortès, les villes comme les campagnes. Le voilà chassé de ce royaume où il était maître, cet orgueilleux soldat, et le 29 juillet 1843, poursuivi jusque dans Cadix, il s’embarque à la hâte pour aller chercher un refuge en Angleterre.

La chute d’Espartero était un coup porté à l’influence anglaise en Espagne. Le ministère tory de sir Robert Peel avait accepté sur ce point l’héritage du ministère whig de lord Melbourne. Cependant, après les premiers accès d’une mauvaise humeur, peut-être